samedi 27 juin 2015

Réflexions en vrac sur Hunger Games et Divergente (les livres)

Les sagas post-apocalyptique ont le vent en poupe, d'abord en librairie puis (succès oblige) au cinéma. Deux héroïnes de seize ans, Katniss et Tris, vont prendre conscience des dysfonctionnements qui existent au sein de leur société et décider de prendre les armes pour lutter contre la tyrannie qui les oppresse. De l'adolescence à l'âge adulte, elles apprendront à se trouver une place dans le monde. A travers leur parcours est semée l'idée que l'on peut changer les choses lorsqu'on a suffisamment de volonté et de courage.

Si le concept est séduisant (et en premier lieu parce que ce sont des filles, des ados ordinaires auxquelles les lectrices peuvent s'identifier), il n'en reste pas moins dommage qu'on manque d'informations sur ce qui a fait que le monde en est arrivé là. Bien sûr, au fil des trois tomes, on reconstitue une chronologie des événements, mais si vague et si déconnectée de la contemporanéité de la dystopie qu'on aura du mal à éveiller une quelconque conscience politique chez les jeunes gens qui dévorent ces séries. C'est d'autant plus regrettable qu'il y a une bonne idée derrière chaque récit et un suspense qui fonctionne plutôt bien (même si Divergente souffre de la comparaison avec Hunger Games mais j'y reviendrai).

Les deux auteures ont aussi fait le choix d'un récit en focalisation interne : c'est en effet à travers les yeux de l'héroïne que nous vivons ces aventures, ce qui a ses avantages mais aussi ses limites. Je n'aurais sans doute pas eu le même ressenti sur ces livres si je les avais lus ado, ça m'aurait sans doute moins gêné, mais je trouve qu'on sent trop que le livre s'adresse à un public adolescent : la violence est représentée de manière explicite mais elle est vécue de manière aseptisée. On se dit qu'on devrait être plus bouleversé que ça par ce qu'on lit mais quelque chose ne fonctionne pas, comme si les auteurs n'allaient pas au bout de leur idée initiale. C'est cruel mais pas assez cru. D'ailleurs le visionnage des films ne fait que renforcer cette impression, même s'ils restent dans l'ensemble fidèles aux livres et efficaces.

L'autre écueil de la focalisation interne, ce sont les longs passages s'attardant sur les états d'âme de l'héroïne (amoureuse, cela va sans dire, sinon pourquoi aurait-on envie de continuer à lire son histoire ?). A ce petit jeu, Suzanne Collins s'en sort plutôt bien : elle fait de Katniss une jeune fille pragmatique qui a d'autres priorités comme celle de s'opposer au Président Snow ; de plus, le fait qu'elle ait du mal à démêler les sentiments qu'elle éprouve pour Peeta et pour Gale la préserve (et surtout nous préserve) de longues tergiversations larmoyantes et ennuyeuses. Veronica Roth, quant à elle, se fracasse sur les récifs de la mièvrerie adolescente. Tris n'a d'yeux que pour les tatouages de Quatre et rêve qu'il la prenne sauvagement contre un mur ; ce qui n'arrivera pas bien sûr, les règles de la bienséance l'interdisent. Divergente, c'est un peu Cinquante Nuances de Grey sans les scènes de sexe. J'exagère à peine :

"Les doigts agrippés à son tee-shirt, je lui rends son baiser, avec tant de fougue que c'en est presque douloureux." 

"Je me moque qu'il sache que l'intensité de ce que j'éprouve me fait peur."

"Je lui retire son tee-shirt. Mes mains glissent sur sa peau nue comme si c'était la mienne."

"Je caresse son torse. Je m'appuie contre lui et je sens son soupir chanter dans tout mon corps."

"Il s'allonge à côté de moi et je suis des doigts la flamme tatouée sur ses côtes. Il est fort, et souple, et sûr de lui. 
Et il est à moi.
Je colle ma bouche sur la sienne."

L'opportunisme en moins, ces extraits ne sont pas sans me rappeler cette pensée profonde d'Anastasia Steele :

"Pourquoi est-ce que je veux passer chaque minute de mon existence avec ce dieu du sexe ? Eh oui, je suis amoureuse de lui, et en plus, il sait piloter un avion."

Le problème de l'histoire d'amour dans Divergente, outre son insupportable niaiserie, c'est le fait qu'elle arrive trop tôt, avec trop d'évidence, et qu'elle est trop lisse. Alors OK, ils se trouvent des points de désaccord et ils font genre "c'est la fin, on ne se comprend plus" *à prononcer avec les yeux embués de larmes* mais on ne croit pas une seconde à la possibilité d'une rupture entre Tris et Quatre. On dirait qu'il faut que les lectrices adolescentes aient absolument leur dose de bluette. Moi j'ai le sentiment que ces tics d'écriture qui versent trop facilement dans les clichés font perdre beaucoup à ces romans. On est dans de la lecture consumériste : on avale les pages parce que le suspense est insoutenable et qu'on n'a pas envie d'attendre. Mais à la fin, qu'est-ce qu'on en retiendra ? Malheureusement, trop peu de choses.