mardi 30 août 2016

Aki Shimazaki - Hamaguri

Dans le tome 2 de la pentalogie Le poids des secrets, l'histoire est cette fois racontée du point de vue de Yukio. On revient donc sur la jeunesse de ce personnage et notamment sur son amour pour Yukiko, dont il ignorait alors la véritable identité.

Les récits se suivent, s'entrecroisent parfois mais sans jamais qu'on éprouve un sentiment de redite. J'ai plongé dans les pensées de Yukio avec autant d'intérêt que celui que je ressentais hier pour celles de Yukiko. J'ai aimé cette manière de donner à lire l'histoire selon un éclairage différent, qui modifie le regard qu'on portait initialement sur les personnages. On en apprend un peu plus, comme si on avait le pouvoir d'omniscience, de voyager dans le temps et dans l'espace de façon à comprendre plus précisément les sentiments et les agissements de chacun. Il n'y a pourtant pas de suspense mais c'est assez grisant d'explorer successivement la psychologie de chaque personnage.
Le mot hamaguri signifie "palourde" et renvoie aux coquillages avec lesquels les deux personnages jouaient enfants, et sur lesquels ils avaient inscrit et réuni leurs deux prénoms, afin de sceller leur amour. C'est encore une fois à travers la simplicité poignante des souvenirs délicatement ravivés que l'auteure nous touche en plein cœur.

lundi 29 août 2016

Aki Shimazaki - Tsubaki

Je ne suis pas férue de littérature asiatique, pire que cela, a priori ça ne m'attire pas du tout. Heureusement, je suis suffisamment friande de conseils de lectures pour que mes préjugés ridicules volent en éclats quand on me vante un livre. J'ai donc découvert avec beaucoup de plaisir le premier tome de la pentalogie Le poids des secrets. A la mort de sa mère (dont la fleur préférée était le camélia : tsubaki en japonais), la narratrice découvre des secrets de famille dans la lettre que cette dernière lui a adressée avant de mourir.


J'ai beaucoup apprécié ce court roman (113 pages), d'une simplicité et d'une efficacité étonnantes. J'ai aimé découvrir l'évocation du bombardement de Nagasaki en 1945 du point de vue japonais, cela remet l'Histoire en perspective. Je me suis attaché au personnage de la mère, que le livre nous fait découvrir par le biais de la longue lettre dans laquelle elle fait à sa fille le récit de sa jeunesse. L'auteure ne développe pas les sentiments éprouvés par les personnages à travers de longues pages, mais par petites touches, par des phrases courtes et au travers de dialogues qui savent aller à l'essentiel. Le drame vécu est retranscrit avec justesse, sans fioritures. On se met parfaitement à la place de l'héroïne et on est saisi par les épreuves qui jalonnent son existence. Les personnages de Yukio et Yukiko sont beaux et touchants dans leur histoire d'amour empêchée. Je vais donc poursuivre avec plaisir ma découverte de cet univers avec le tome 2 : Hamaguri.

samedi 27 août 2016

Philippe Forest - Une fatalité de bonheur

Ce livre prend la forme d'un abécédaire dont les vingt-six entrées sont empruntées à l’œuvre d'Arthur Rimbaud. On aurait toutefois tort de s'attendre à un ouvrage théorique et rébarbatif (j'ai toujours eu un peu de mal avec Rimbaud, même si je reconnais volontiers la vertigineuse densité de son œuvre).


La littérature rimbaldienne est ici avant tout un prétexte. Philippe Forest visite ou revisite des motifs qui traversent ses livres précédents, en leur apportant un éclairage un peu différent, inédit. C'est un livre assez étonnant, à la fois intime et universel (ce qui est finalement assez caractéristique de ce que fait Forest dans chacun de ses ouvrages). Il évoque ainsi la mort de sa fille, d'une manière bouleversante, dans les article "Deuil" et "Enfant". Il revient sur sa conception de la littérature, mais il parle aussi de politique, de sexe, du concept de modernité, dans un livre patchwork qui se révèle cependant au fil des pages d'une cohérence étonnante. Quant à Rimbaud, il est toujours présent en filigrane, prétexte à une réflexion plus riche et plus universelle que si le livre s'était présenté comme un essai classique. Philippe Forest n'hésite pas à souligner l'hermétisme de certains textes de celui que Verlaine surnommait "l'homme aux semelles de vent", il ne cherche aucunement à nous accabler d'explications hasardeuses ou tirées par les cheveux. Il lit Rimbaud à l'aune de sa propre subjectivité, nous livrant un peu de lui et en même temps un peu de nous. Il nous donne en quelque sorte un modèle de posture à adopter en tant que lecteur. On referme le livre avec la sensation d'en savoir plus, et pas seulement sur Rimbaud, d'être capable de porter un regard d'une plus grande acuité sur le monde.

mercredi 24 août 2016

Michel Bussi - Nymphéas noirs

La mise en bouche de ce polar est fort aguicheuse : l'intrigue se passe à Giverny, où un meurtre a été commis. La victime, Jérôme Morval, était un amateur d'art qui rêvait d'acquérir un authentique "Nymphéas". Mais dans le cadre idyllique du petit village de Claude Monet, les habitants cachent bien leur jeu et les inspecteurs Sérénaç et Bénavidès ont fort à faire. Accompagnés de Neptune, le chien du village, qui ne cesse d'aller et venir, leur enquête va bien vite se révéler plus complexe qu'il n'y paraît.



Ça fait beaucoup de Michel Bussi en peu de temps mais j'étais fort enthousiasmée par le sujet, étant une grande amoureuse des Nymphéas de Monet. Ajoutez à cela que l'auteur évoque à plusieurs reprises Aurélien d'Aragon, de quoi me mettre dans sa poche une bonne fois pour toutes. Et pourtant...
Je ressors de Nymphéas noirs plutôt mitigée. Je pense que j'ai tout de même préféré Un avion sans elle où les personnages étaient moins caricaturaux. En fait, je les ai trouvés assez artificiels, Laurenç Sérénac et Stéphanie Dupain en tête. Je n'ai pas éprouvé pour eux la moindre empathie.Pourtant leur idylle présente un certain potentiel, mais le traitement de celle-ci est complètement raté. Les références à Aragon et le parallèle avec Aurélien et Bérénice tombent à plat. C'est vraiment regrettable. Quant à la jeune Fanette Morel, il me paraît complètement aberrant de faire s'exprimer une enfant de onze ans comme une adulte. Enfin, j'ai du mal avec le côté encyclopédique de certains passages ; j'ai beau être ravie d'apprendre des choses sur un sujet qui me passionne, là il y en a des tartines et amenées de manière très académique, artificielles par rapport à l'intrigue générale.
Par contre, j'ai été bluffée par la fin et je reconnais volontiers m'être fait balader tout au long du roman. Mais plus j'y repense, plus je trouve l'ensemble un peu gros. Je me suis dit qu'il faudrait que je relise des passages mais comme ça ne m'a pas non plus emballée outre mesure, je vais m'abstenir.
Ce livre reste un divertissement tout à fait honnête et remplit sa fonction de lecture de vacances. Je l'ai dévoré comme le précédent mais une fois terminé, la sensation de ne pas avoir été correctement nourrie a perduré.

lundi 22 août 2016

Helen Dunmore - Le mensonge de Daniel Branwell

Après la guerre 14-18, Daniel Branwell revient au pays. Il vit à l'écart du village, dans la propriété de Mary Pascoe dont il cultive le lopin de terre. Daniel est doué d'une mémoire remarquable, il est aussi profondément marqué par la guerre et les traumatismes qu'elle a engendrés.


Ce livre est porté par une écriture superbe : la traduction est très bonne. Bien sûr, on ne le lira pas pour le suspense. Il ne se passe en effet pas grand chose dans ce très beau récit mais la délicatesse des sentiments qui affleurent, l'évocation saisissante de l'expérience de la guerre et les très beaux extraits de poésie qui le jalonnent en font un petit bijou. J'aime ce genre de roman où c'est au lecteur de reconstruire les événements, de lire entre les lignes. On est frappé par la puissance de certaines phrases, la beauté de certaines scènes. On se prend à savourer chaque mot. Daniel est un personnage tout en pudeur et en fragilité, à la fois ordinaire et extraordinaire, d'une humanité et d'une force incroyables. Les sentiments sont évoqués par petites touches et nous permettent de reconstituer peu à peu le paysage de l'existence des héros. C'est un travail d'orfèvre.Même après avoir refermé le livre, il vous hantera encore un moment.

samedi 20 août 2016

Michel Bussi - Un avion sans elle

Tout commence par un accident d'avion dans le Jura en 1980 : il n'y a qu'une seule survivante, un bébé de trois mois. Manque de bol, il y avait deux bébés de cet âge dans l'avion. Dès lors deux familles vont se déchirer pour récupérer la petite rescapée. Le suspense du livre est centré sur l'identité de la petite Lilye (oui, par un choix bien pratique de l'auteur, elle s'appelle soit Emilie soit Lyse Rose, d'où le surnom facile).

Malgré des réticences, je me suis lancée dans Michel Bussi et le bilan est plutôt positif dans la mesure où cela correspond à ce à quoi je m'attendais. Le récit est bien mené, l'intrigue est efficace. Je confesse l'avoir dévoré en vingt-quatre heures et ne l'avoir quasiment pas lâché de la journée. Il y a toutefois un enrobage très artificiel et cul-cul au début : une course contre la montre bidon pour empêcher Emilie de commettre l'irréparable (oui, elle s'appelle Emilie, mais on le sait dès le début donc je ne vous ai pas spoilé ; en plus on apprend très vite que ça ne veut pas dire grand chose). Mais l'histoire est prenante, et je me suis laissé emporter par le journal de Crédule Grand Duc (mais qu'est-ce que c'est que ce nom ?) avec plaisir (sauf bien sûr quand l'auteur s'amuse à nous faire poireauter en interrompant continuellement son récit sous des prétextes plus fallacieux les uns que les autres). Donc ça se lit bien, mais on sent les grosses ficelles par moments et c'est un peu dommage car les auteurs de polars sont parfois plus subtils ; je le dis avec d'autant plus de bonne foi que je suis assez bon public pour me laisser mener en bateau.
Ce livre est donc une bonne lecture de vacances, qu'on imagine très bien adaptée en téléfilm sur tf1 ou france 2. Après, c'est vraiment du prêt à consommer, et ça ne me laissera pas un souvenir impérissable.