dimanche 30 octobre 2016

Ransom Riggs - Miss Peregrine et les enfants particuliers

C'est l'adaptation de ce roman par Tim Burton qui m'en a fait entendre parler. J'ai donc préféré le lire avant d'aller au cinéma. Le pitch de départ est plutôt accrocheur : Jacob assiste aux derniers instants de son grand-père, qui lui transmet un étrange message avant de mourir. Le jeune héros âgé d'environ seize ans part alors avec son père pour Cairnholm, une île du Pays de Galle dans laquelle son grand-père a vécu enfant. Durant l'enfance de Jacob, le vieil homme lui racontait beaucoup d'histoires sur sa jeunesse, lui disant qu'il combattait des monstres, lui parlant d'enfants extraordinaires qu'il côtoyait. Des photos viennent illustrer ces histoires et leur donner un fond de vérité. Toutefois en grandissant, Jacob n'y croit plus vraiment. Il va pourtant bientôt faire la connaissance de Miss Peregrine et changer d'avis.


J'ai beaucoup aimé les photos qui émaillent le livre. Elles sont délicieusement fantastiques, et elles ont beau pour certaines être allègrement truquées, elles créent une atmosphère sacrément inquiétante. Le récit m'a fait penser à beaucoup d'autres romans pour la jeunesse : Peter Pan, Sacrées sorcières, Percy Jackson mais aussi des films comme X-Men ou Big Fish. J'ai trouvé l'ambiance du livre très sombre et effrayante (il y a des éléments vraiment macabres, comme la particularité d'Enoch). Dans l'ensemble ça m'a plu mais j'ai trouvé que ça mettait du temps à démarrer (mais ça c'est souvent le souci lorsqu'on met en place un univers) et par la suite, les cent dernières pages m'ont paru souffrir de quelques longueurs. En fait, il y a de très bonnes idées : la relation grand-père/père/fils notamment, qui aurait pu être davantage exploitée je pense ; les talents particuliers des enfants ; les histoires de boucles temporelles (même si ce n'est pas toujours facile à appréhender intellectuellement). Je reste donc un peu sur ma faim : le parallèle à faire entre les nazis et les monstres combattus par le grand-père n'est pas exploité alors qu'il y aurait eu de quoi faire (je pense à L'échiquier du mal de Dan Simmons) ; enfin,  peut-être que cela manque d'un petit supplément d'âme qui aurait fait que ça serait passé de vraiment bien à exceptionnel. Je m'en rends compte parce que je ne ressens pas le besoin impérieux de connaître la suite. Enfin, je verrai bien si je finis par la lire.
A noter que l'adaptation ciné prend de sacrées libertés avec l'histoire, notamment dans la deuxième partie, mais je l'ai trouvée visuellement très belle et plutôt réussie.

jeudi 27 octobre 2016

René Frégni - Sous la ville rouge

Charlie Hasard est boxeur et écrivain. Ces deux activités sont loin d'être contradictoires. Alors qu'il écrit depuis des années, il n'essuie que des refus de la part des éditeurs. Jusqu'au jour où un auteur célèbre vient en dédicace à Marseille, issu de ce petit milieu parisien dont Charlie se sent irrémédiablement exclu. Le boxeur suit pourtant l'auteur et tente de lui confier, sans succès, son manuscrit. C'est à ce moment-là que Charlie perd le contrôle et lui envoie son poing dans la figure.

 J'avoue qu'au début, j'étais un peu dubitative mais j'ai englouti ce roman presque d'une traite. J'ai été portée par le style de l'auteur, la poésie abrupte des mots. Charlie est un personnage attachant et profondément humain, dont la fragilité et le désarroi sont émouvants. J'ai aimé la façon dont il parle de l'écriture, le contraste entre son besoin viscéral de coucher des histoires sur le papier et sa quête effrénée de reconnaissance. C'est un livre assez étonnant et dont le style ne ressemble à aucun autre, il est à la fois prosaïque et tragique. Il nous dépayse en nous faisant déambuler dans un Marseille haut en couleurs, on oscille entre l'exaltation et la déréliction tour à tour ressenties par le héros. Une jolie découverte, un récit à la fois simple et profond.

dimanche 23 octobre 2016

Arthur Ténor - A mort l'innocent

L'histoire est racontée par Rémy, qui fut l'élève de M. Orthis au moment du drame. Dans les années 60, cet instituteur célibataire de trente-cinq ans est nommé professeur à Saint Clémentel. S'il suscite très vite l'adhésion de la plupart des élèves, c'est sans compter les mauvaises langues qui déblatèrent dans son dos. Gabriel Orthis serait homosexuel. Et les gens de désapprouver ce qui à l'époque était considéré comme une aberration mentale et que l'on confondait même avec la pédophilie.


Dans ce livre très pédagogique, l'auteur raconte sous la forme d'un fait divers, une histoire qui ne peut que susciter l'indignation. Les mentalités sont très datées et d'autant plus choquantes, l'injustice avec laquelle est traitée l'instituteur est tout simplement ahurissante. Par moments, j'ai trouvé cela tellement gros que je n'arrivais pas à y croire. Je trouve que la façon dont les enfants sont influencés par le jugement des adultes est rendue avec fidélité, je pense qu'il peut être intéressant d'étudier ce livre avec des ados et je serais assez curieuse de connaître leurs réactions.

jeudi 20 octobre 2016

Jean-Claude Mourlevat - Silhouette

Silhouette est un recueil de dix nouvelles, chacune longue d'une vingtaine de pages environ. Jean-Claude Mourlevat plante le décor rapidement et efficacement (vous me direz, c'est le principe de la nouvelle). Mais ce qui fait l'unité de ce recueil, c'est le ton. Ces textes sont le plus souvent cruels ou cyniques, mais cela les rend aussi parfois touchants et tristes. On découvre à chaque fois un personnage qui va se prendre une claque (métaphoriquement parlant) de la part de la vie. Forcément, on s'identifie : on tremble avec le héros et à la fin on est bien content de ne pas être à sa place.


Le procédé est redoutablement efficace et Jean-Claude Mourlevat étant un conteur hors pair, il fait mouche à peu près à chaque fois. J'ai pour ma part été traumatisée par la chute de "Silhouette", de "Case départ" et de "Pardon" ; mais aussi bouleversée par "Mon oncle Chris" et "Les jolis nuages". Je ne suis pas excessivement fan de nouvelles (je trouve que ce genre d'exercice est périlleux et produit un résultat souvent aléatoire) mais comme j'aime beaucoup Mourlevat, j'ai abordé ce livre avec confiance et j'en ressors ravie. Si tous les textes ne m'ont pas autant touchée, j'ai pris plaisir à déguster chaque mot, à chercher à deviner la chute de chaque texte. Ce fut un moment de lecture grisant et riche en surprises.

mardi 18 octobre 2016

Laurent Mauvignier - Continuer

Alors que son fils Samuel commence à mal tourner, Sibylle, divorcée, presque éteinte, décide d'organiser un long voyage avec lui. A cheval à travers le Kirghizistan. Ce projet fait naître en elle une énergie nouvelle. Elle pensait ne plus rien avoir à attendre de la vie et pourtant, dans ces paysages vastes et hostiles, au contact de la nature sublime et des populations autochtones, la mère et le fils vont apprendre à redonner du sens à leur existence.


J'avais beaucoup aimé Loin d'eux, le premier roman de cet auteur et il a de nouveau réussi à m'envoûter avec celui-ci. L'histoire est simple, et le résumé peut paraître a priori trop bien-pensant mais j'ai trouvé que Laurent Mauvignier peignait des personnages d'une densité étonnante. Le livre est assez contemplatif mais c'est avec plaisir qu'on découvre peu à peu les personnages et ce qui se tisse entre eux. On ne s'en tient pas à une vision manichéenne, chacun ayant des zones d'ombre, mais l'auteur ne se lance pas non plus dans un décryptage visant l'exhaustivité. C'est avec pudeur et subtilité qu'il nous fait comprendre de plus en plus intimement Sibylle et Samuel, et même Benoît. Chacun a en lui des failles, ils se heurtent les uns aux autres dans un ballet douloureux où les caresses se transforment en coups et inversement. Le récit est une véritable quête, marquée par les chutes et l'errance. On se cherche, on tâtonne beaucoup mais on finit toujours par se relever. C'est un livre sombre mais d'où émerge une douce lumière, portée par un dépaysement salutaire et annonciatrice d'un renouveau nécessaire. On en ressort grandi, comme si cette lumière nous avait un peu éclairés, le temps de la lecture.

mercredi 12 octobre 2016

Leïla Slimani - Chanson douce

Deux premières pages ahurissantes, d'une sauvagerie à peine supportable. Les corps de deux enfants sauvagement assassinés, la mère qui découvre le carnage, la nounou qui a essayé de se donner la mort (sans succès). C'est là-dessus que commence le dernier roman de Leïla Slimani. Avant de revenir en arrière pour repartir du début : Paul et Myriam qui prennent une nounou pour que Myriam puisse reprendre une activité professionnelle, elle qui étouffe à élever ses deux enfants pendant que son mari part travailler. Et pourtant, Louise trouve très vite sa place dans cette famille, une vraie fée du logis, à se demander comment la vie était possible avant, sans elle.


On lit ce livre sous tension, et il ne pourrait en être autrement après le choc provoqué par les deux premières pages. Il a beau n'y avoir aucun suspense, le fait de connaître la scène de carnage vers laquelle tend le récit nous tient en haleine. On a envie de savoir ce qui s'est passé, comment s'est noué le drame. Le livre est aussi extrêmement intéressant parce qu'il nous propose une lecture sociologique implacable  des rapports entre les personnages. C'est glaçant et affreusement déprimant. Personne n'est épargné. La peinture de chacun dans son mépris de classe, dans ses errements psychologiques, les malentendus et la montée du malaise. De plus en plus perceptible. Tous les ingrédients de la tragédie sont là, jusqu'à l'horreur la plus insoutenable. Bon je me répète mais vraiment, j'ai lu ce livre en apnée (certes parce que c'était bien mais aussi parce que c'était malsain et que j'avais hâte d'en finir). Du coup, je suis un peu sonnée, et j'aurais du mal à dire si c'est génial ou s'il vaudrait mieux brûler cet ouvrage affreux qui ne met en avant que la part la plus sombre des personnages. A lire si on a le cœur bien accroché, et en prévoyant un beau roman derrière pour (essayer de) nous redonner foi en l'humanité.

lundi 10 octobre 2016

Timothée de Fombelle - Le livre de Perle

Timothée de Fombelle est l'un de mes auteurs jeunesse préférés. Je suis tombée sous le charme de Tobie Lolness puis de Vango il y a déjà quelques années et je viens de relire Le livre de Perle, son dernier roman (paru en 2014). C'est une histoire qui entremêle l'univers des contes et le nôtre. Ilian a été chassé de son monde par un frère jaloux, à cause de l'amour d'une fée. Il est recueilli par Monsieur et Madame Perle qui tiennent une boutique de guimauves à Paris dans les années 1940. C'est une histoire merveilleuse qui nous parle des récits qui nous bercent depuis la nuit des temps, de notre rapport aux rêves et à l'imagination, mais aussi de la France pendant la Seconde Guerre Mondiale.


L'auteur signe un récit d'une densité rare, nous emporte dans un tourbillon d'aventures et de mélancolie. Nous faisons des allers et retours dans le temps, entre le récit du narrateur -double de l'auteur, et témoin privilégié de l'histoire entre Ilian et Olia- et l'incroyable odyssée de Perle, qui cherche coûte que coûte à rentrer chez lui. On se perd parfois dans les époques et les personnages, l'auteur nous entraîne sur de fausses pistes mais rapidement le puzzle se met en place. La poésie des mots est d'une douceur incroyable. On tombe amoureux de ces personnages, on a vraiment l'impression de voyager avec eux et c'est une expérience merveilleuse. Timothée de Fombelle est un conteur hors pair, il a ce pouvoir d'ouvrir une brèche par le biais des mots et de nous happer vraiment au travers des différents mondes. On rêve de voir ce livre adapté sous forme d'album, ou même (on peut rêver) au cinéma.

jeudi 6 octobre 2016

André Borbé - 6000 nuits

Esther et Edith ont seize ans et sont les meilleures amies du monde depuis leur plus tendre enfance. Elles vivent à Boucainvillier, ville gouvernée par un tyran et dans laquelle les livres sont interdits. Esther a un secret qu'elle cache pour éviter de s'attirer des ennuis : elle est insomniaque. Jamais elle n'a dormi de sa vie. Quand elle est contactée par la Société des Bienveillants pour devenir une conteuse, c'est l'occasion pour elle d'entrer en résistance.


Si l'histoire est plutôt alléchante a priori, j'ai eu du mal à rentrer dans le livre. Il regorge d'idées sympathiques mais finalement assez attendues. Les filles sont un peu superficielles, et surtout, j'ai eu beaucoup de mal à accrocher, à bien discerner tous les personnages, bref à rentrer véritablement dans le récit. Bon, j'ai peut-être lu en étant un peu fatiguée mais arrivée à la fin, il m'a fallu refeuilleter le livre depuis le début pour comprendre ce à côté de quoi j'étais passée. Certains passages manquent de clarté, et la fin est trop abrupte, voire même bâclée. Pourtant, tout se tient, sauf un élément que je n'ai pas compris à propos de Esther et Rehtsë (le fait que les prénoms soient identiques et inversés semble indiquer un lien entre les deux personnages mais je ne l'ai pas trouvé). Je suis restée sur ma faim, je pense qu'il y avait du potentiel mais que l'ensemble reste assez maladroitement ficelé.