vendredi 19 septembre 2014

Lucy

Je suis allée voir hier soir le dernier film de Luc Besson. Alors oui c'est Luc Besson, et je n'aurais pas dû m'attendre à quelque chose de mémorable, néanmoins je suis sortie du cinéma avec un sentiment de malaise mêlé de colère que j'ai envie de creuser. J'ai trouvé une critique assez juste sur Filmosphere mais comme je ne suis pas une cinéphile patentée, je m'y colle à mon tour.
Le pitch de départ du film est très encourageant : il y a un petit côté Des fleurs pour Algernon qui me rendait d'emblée enthousiaste ; et puis la perspective d'une réflexion (un peu) philosophique sur l'intelligence et son accroissement démesuré, l'utilisation que nous faisons de notre cerveau, Morgan Freeman, toussa toussa. Malheureusement, ça rend moins bien en vrai que sur le papier. Lucy est une jeune blonde écervelée (habillée en pupute) qui sort avec un mec ridicule (chapeau de cowboy, lunettes orange) et visiblement pas plus malin qu'elle. De façon assez incompréhensible et dégueulasse, il l'envoie au casse-pipe livrer une mystérieuse malette juste avant de se faire descendre de manière parfaitement débile (on ne comprendra d'ailleurs jamais ni pour qui ni pour quoi). La pauvre gourde est donc embarquée par des Coréens peu amènes qui dégomment tout ce qui bouge. A peine quelques minutes de film et déjà s’amoncellent les cadavres et les manœuvres d'intimidation. Et au cas où le spectateur débile (il a quand même payé pour aller voir un film de Luc Besson) ne serait pas sûr de tout piger, on insère avec grossièreté des images de bêtes traquées qui se font dévorer par de vilains prédateurs. Toujours est-il qu'on insère un gros sachet de drogue dans le bide de Lucy pour qu'elle prenne l'avion et le fasse passer en Europe. Après, ça se passe moins bien parce qu'elle se fait tabasser par d'autres Asiatiques (j'ai pas compris comment ils étaient arrivés là mais admettons). Un bon coup de pied dans le ventre et le sachet s'ouvre, faisant valdinguer la fille qui murmurait à l'oreille des chevaux aux quatre coins de la pièce (elle convulse le long des murs et au plafond, ça non plus j'ai pas compris). C'est là que ça devient intéressant parce que Lucy développe très vite des super pouvoirs. Depuis le début du film, en parallèle à cela et à intervalles réguliers, on a droit à un cours donné par Morgan Freeman, qui explique que les êtres humains n'utilisent que 10% des capacités de leur cerveau. Et les consciencieux étudiants d'imaginer ce que ça donnerait quelqu'un qui utiliserait ses capacités à 100%. On les voit venir, Luc et Scarlett, avec leurs gros sabots.
Bon j'arrête de résumer tout le film, ça ne me paraît pas satisfaisant. Alors en vrac : Scarlett est fascinante. Cette fille est vraiment belle à regarder, c'est mieux que ça, c'est hypnotique. Ne serait-ce que sa bouche. Mais je m'égare. Elle a là un rôle dans lequel elle se glisse parfaitement. Il y a une jolie scène quand elle est à l'hôpital et qu'elle appelle sa maman pour la remercier parce qu'elle se rappelle de toutes ses caresses, de ses baisers, même de son liquide amniotique. C'est un peu maladroit mais c'est touchant. Elle est épatante, Lucy, elle gère. C'est jouissif pour le spectateur de la voir prendre les choses en main. Mais alors il faudrait m'expliquer pourquoi elle n'a pas dézingué tous ces fichus Coréens quand elle en avait l'occasion. Parce que, oh my god !, les courses-poursuites à la Taxi, qu'est-ce qu'on s'en tape ! Les Coréens qui arrivent pour buter tout le monde, et qui poursuivent Lucy, et qu'on retient un peu, mais qui arrivent quand même et qui tirent sur tout ce qui bouge. C'EST CHIANT !!! C'EST PAS FIN !!! C'EST PAS INTERESSANT !!! TU ENTENDS, LUC ??? Moi je veux savoir ce à quoi cette intelligence en perpétuelle expansion va donner naissance. Je veux regarder Scarlett, sa rencontre avec Morgan, et tous les trucs passionnants qui vont en découler. Mais tout ce qui a été lancé jusqu'ici va retomber comme un soufflé. Tout ce que nous sert Luc Besson, c'est un défilé d'images aux couleurs saturées, un peu d'exotisme, sans queue ni tête. Dans la mesure où ce cas d'intelligence en expansion est inédit, ne nous privons pas de faire n'importe quoi avec de grossiers effets cinématographiques. Quid de la densité du propos ? Quid de la poésie visuelle ? (bon OK, c'est du Luc Besson mais je peux quand même rêver, il y avait de belles séquences dans Le Cinquième élément). Et on restera sur notre faim : certes, il y a une réflexion intéressante sur le temps, qui est la seule unité de mesure pour dire que quelque chose a existé, mais ça aussi, c'est très vite évacué. Par contre, on passe un temps fou à voir Lucy se transformer en un gros tas de mélasse noire qui mange des ordinateurs avant de se métamorphoser en clé USB (si si, je vous assure).
L'ensemble me laisse perplexe. J'ai l'impression d'avoir été prise pour une imbécile, comme si on avait voulu faire insulte à mon intelligence, comme si on ne m'avait pas nourrie à la mesure de ce que j'attendais. Et ça me met en colère précisément parce qu'il y avait du potentiel et qu'il faut malgré tout se contenter de médiocrité. Je ne comprends pas non plus pourquoi le médiocre est ce qui fonctionne le mieux à notre époque mais ça m'énerve profondément. Voilà, c'est dit.