lundi 12 décembre 2016

Stephen King - Joyland

Devin Jones a vingt-et-un ans quand il débarque pour la première fois pour un job d'été à Joyland, le parc d'attractions de Heaven's Bay près de Wilmington. Il y découvre le monde forain et se débrouille plutôt bien. Il se lie d'amitié avec Erin et Tom, deux jeunes de son âge qui sont saisonniers comme lui. Il apprend alors qu'un crime a été commis dans La Maison de l'Horreur. Une jeune femme a été assassinée par un tueur en série qui n'a jamais été arrêté. Fasciné par cette histoire, jaloux de son ami Tom qui a vu le fantôme, Devin prolonge son contrat après la saison d'été. Il se lie aussi d'amitié avec un garçon de 11 ans, Mike Ross, atteint de myopathie, et avec sa mère, Annie.


J'ai aimé ce Stephen King, qui est plutôt un roman d'apprentissage avec une teinte légère de fantastique. Le personnage de Devin est attachant (mais un peu trop gentil, ai-je pensé à certains moments). J'ai aussi beaucoup aimé Mike, et du coup je trouve qu'il arrive tard dans le livre, que la relation très chouette entre lui et Devin est sous-exploitée. L'autre aspect du livre très intéressant, c'est le monde de la fête foraine vu de l'intérieur. C'est un livre que j'ai eu plaisir à retrouver, sans doute pas le meilleur de Stephen King mais un bon roman avec des personnages touchants.

mercredi 30 novembre 2016

Catherine Grive - Je suis qui je suis

L'adolescence n'est pas le moment de la vie le plus simple. Raph' en fait l'expérience, à travers le sentiment d'un chagrin persistant mais dont elle ne parvient pas à déterminer la cause. Alors que les vacances d'été commencent, l'ennui s'étire en longues journées désœuvrées où elle vole du courrier dans la boîte aux lettres des voisins. Ses parents lui répètent sans cesse de faire du tri dans sa chambre et sa mère est enceinte ; la solitude est de plus en plus pesante. Jusqu'au jour où elle rencontre Sarah qui va mettre un peu de soleil dans son existence.

J'ai trouvé ce roman pour ados intéressant et plein de sensibilité. On ressent bien le désarroi de Raph, on compatit à ce chagrin sans cause. La difficulté de communiquer avec les parents est rendue avec justesse ainsi que le vide qu'on peut ressentir à un âge où on se situe à mi-chemin entre l'enfance et l'âge adulte. Le livre ne se fait ni moralisateur, ni débordant de bons sentiments et ça, ça fait du bien. Il donne à voir le mal-être et les tâtonnements maladroits de Raph pour s'en extirper. La fin aussi m'a touchée, avec une petite lueur d'espoir, juste ce qu'il faut. Une lecture que je conseille, qui invite à la réflexion.

dimanche 27 novembre 2016

J.K. Rowling - Harry Potter et l'enfant maudit

La première fois que j'ai entendu parler d'une suite d'Harry Potter sous forme d'une pièce de théâtre, j'ai naïvement pensé qu'il s'agirait d'un huis-clos intimiste entre Harry et son fils, une sorte de réflexion philosophique sur l'existence, le poids de la filiation... Je me trompais : la pièce a l'envergure d'un roman car le récit est foisonnant ; du coup l'emballage m'a paru frustrant et plutôt incongru. L'histoire reprend au moment de l'épilogue des Reliques de la Mort. Harry et Ginny Potter accompagnent leurs enfants sur le quai de la voie 9 3/4. Le jeune Albus Severus a des difficultés relationnelles avec son père et cela va l'amener à faire des choses qu'il n'aurait pas dû faire.


Je ressors enthousiaste de cette lecture, mais c'est surtout dû au plaisir d'avoir retrouvé l'univers de Harry Potter. Le fait que je n'aie pas relu les anciens livres depuis un moment joue aussi en ma faveur. Du coup, ce dernier opus souffre moins de la comparaison avec la saga. J'ai été convaincue par l'histoire dans l'ensemble, même si certains personnages m'ont semblé ratés car caricaturaux au possible : Ron notamment que j'ai trouvé sans intérêt. Albus n'est pas sympathique, ce qui est gênant pour un héros. Enfin Harry Potter : là j'ai beau savoir que dix-neuf ans ont passé, je trouve qu'il a rudement changé et pas en bien. Les difficultés de communication qu'il a avec son fils manquent de contextualisation, l'un comme l'autre ils s'y prennent comme des manches, à tel point que ça en devient risible. Cette histoire de rumeur sur Scorpius étant le fils de Voldemort, je n'ai pas compris non plus tellement ça me paraissait cousu de fil blanc. A la fin de la première partie, j'étais horrifiée : "ne faites pas d'enfants, ce sont d'horribles boulets qui se rendront responsables de l'apocalypse" semblait être le message transmis par J. K. Rowling. Bon, il n'empêche que j'étais accrochée et que j'ai dévoré l'histoire. Ces retours dans le temps étaient un peu tirés par les cheveux mais j'ai trouvé que l'ensemble fonctionnait bien. J'aurais toutefois préféré un roman, cela aurait laissé davantage d'espace pour l'histoire afin qu'elle puisse se déployer, aussi bien dans l'humour que dans les moments plus dramatiques. Et je suis vraiment intriguée à propos de ce que ça peut donner sur scène tant il y a de décors et de didascalies qui me semblent impossibles à représenter visuellement.

mercredi 23 novembre 2016

Yaël Hassan et Rachel Hausfater - Perdus de vue

Anne-Sophie répond à une annonce à la bibliothèque pour faire la lecture à une vieille dame durant les vacances d'été. Mais lorsque sa tante lui propose d'aller passer un mois en Espagne, elle confie cette tâche à Sofiane, qui en pince pour elle. De ce concours de circonstances va naître une amitié inattendue : entre Sofiane et Régine, le courant passe presque immédiatement malgré leur différence d'âge et leurs milieux sociaux très différents.


J'ai trouvé plutôt sympa ce livre écrit à quatre mains. L'histoire est assez invraisemblable mais on a envie de croire à la jolie complicité qui se noue entre la vieille dame et le jeune franco-tunisien. Le style un peu trop empreint de bons sentiments est parfois irritant mais le récit se lit bien. Je pense qu'il gagnerait à être un peu moins lisse. Il n'y a pas vraiment de surprises : on sait très vite comment les choses vont tourner. Les moindres péripéties sont balayées de manière rassurante, du coup j'ai le sentiment qu'on reste en surface, qu'on n'aborde pas de vrais problèmes alors que les personnages ont des aspérités qui auraient pu être mieux exploitées. C'est un peu dommage.

lundi 21 novembre 2016

Jérôme Bourgine - Mots pour maux

Le monde s'écroule pour Julian, 13 ans, lorsque sa mère débarque un jour au collège. Elle lui apprend que son père s'est tué dans un accident de voiture. La tristesse, l'incompréhension et le désespoir l'assaillent, jusqu'au jour où il découvre sur son ordinateur une vidéo laissée par son père à son intention.


Le sujet n'est pas très joyeux mais ce n'est pas ce qui m'a rebuté dans ce livre. Je trouve qu'on sent vraiment trop qu'il est écrit par un adulte. Du coup, c'est dégoulinant de bons sentiments plaqués, de morales au rabais du genre : "la mort, c'est triste mais il faut aller de l'avant" ou encore "il faut profiter de la vie et des bons moments". L'emballage est donc assez grossier, même si l'intention est louable. Le livre dit des choses vraies, transmet des idées plutôt saines, mais avec de tels gros sabots et une telle maladresse qu'on n'y croit pas une seconde. C'est dommage.

samedi 19 novembre 2016

Stephen King - Le singe

Dans le grenier de la maison, les enfants de Hal Shelburn trouvent un vieux singe mécanique dans un carton moisi. Ils ont très envie de le garder. Hal, lui, est tétanisé. Il reconnaît ce jouet grimaçant et inquiétant qui a jeté une ombre sur son enfance. Apparemment cassé, il répand son aura maléfique quand ses cymbales se mettent à retentir dans un dzing dzing funeste. Qui sera sa prochaine victime ? Telle est la première question que se pose Hal. Puis vient la seconde : comment faire pour s'en débarrasser définitivement avant qu'il ne soit trop tard ?


Cette nouvelle nous entraîne dans un univers fantastique classique, flirtant avec l'épouvante. Le récit est raconté du point de vue de Hal, le héros, assez éprouvé psychologiquement. On se demande au début s'il n'est pas victime d'hallucinations mais les faits qu'il évoque semblent lui donner raison. Le singe est inquiétant à souhait, les flash-back nous font basculer progressivement dans l'horreur. Du fait de la brièveté du récit, le talent de King s'exprime de manière condensée (et donc un peu frustrante, je préfère le voir se déployer dans des romans). Mais le lecteur trouve son compte de frissons. Un récit sans grande surprise mais efficace.

dimanche 13 novembre 2016

Paula Hawkins - La fille du train

Rachel ne va pas bien. Dépressive et alcoolique, elle ne se remet pas du départ deux ans plus tôt de Tom (son ex-mari) qui a refait sa vie avec une autre : Anna. Alors chaque jour, dans le train qui l'emmène à Londres, elle passe devant le quartier où elle vivait avec lui. Non loin de son ancienne maison, elle a repéré un jeune couple qui est l'image même du bonheur. Elle les a baptisés Jason et Jess. Ils représentent ce qu'elle idéalise, ce qu'elle a perdu, ce qu'elle désire retrouver. Sauf qu'un jour, elle aperçoit Jess avec un autre homme. Lorsqu'elle découvre quelques jours plus tard le visage de la jeune femme dans les journaux (celle qui s'appelle en réalité Megan est portée disparue),  Rachel décide de se mêler de cette histoire.


Le livre est plutôt bien construit : il s'agit de trois femmes, trois protagonistes essentielles de l'histoire, qui prennent à tour de rôle la parole sous une forme proche de celle du journal intime, décliné en deux moments de la journée : "matin" et "soir". Cela permet à l'auteure de développer trois points de vue internes. J'ai trouvé cela pas mal parce que Rachel est une jeune femme touchante mais vraiment déprimante et je dis cela sans mépris aucun car j'ai ressenti beaucoup d'empathie pour elle. Mais vraiment, le fait est qu'elle est complètement enlisée dans ses problèmes et le passage à d'autres personnages est le bienvenu. Il l'est d'autant plus que cela permet de se faire une idée plus précise de la situation à partir de la confrontation des points de vue. J'ai eu du mal à lâcher le roman une fois dedans, on s'attache à Rachel et on a envie de connaître le fin mot de l'histoire qui se dessine progressivement et efficacement. J'ai aimé ces trois portraits de femmes, chacune vulnérable à sa façon. L'histoire a un côté convenu mais le fait de l'aborder de cette manière apporte un éclairage nouveau, un peu sociologique, sur les rapports hommes-femmes. Un bon roman.
L'adaptation cinématographique est plutôt fidèle au livre, les trois actrices crèvent l'écran et l'empathie est au rendez-vous. C'est un beau film qui m'a permis d'approfondir la réflexion engagée par la lecture du roman. A voir donc.

dimanche 6 novembre 2016

Guy Jimenes - Harcèlement

Valentin arrive dans un nouveau collège et a très envie de se faire des amis. D'ailleurs, Bastien et Karim ont l'air plutôt sympathiques et il commence à traîner avec eux. Mais très vite, leur apparente amitié se transforme en moqueries. Valentin les saoule avec son goût pour le blues et sa manie de parler tout le temps. Petit à petit, Bastien va transformer la vie de Valentin en calvaire.


Le livre se présente sous la forme d'une enquête menée par une psychologue deux ans après les faits. Les différents protagonistes des événements témoignent à tour de rôle. On assiste donc à la lente et inexorable descente aux enfers de Valentin. Les autres lui font payer le fait de ne pas être tout à fait comme eux, de ne pas rentrer dans le moule, et se liguent finalement contre celui qui devient le parfait bouc émissaire. Le harcèlement se met en place de manière insidieuse et même Valentin, qui en est la victime, se fait le complice involontaire de ces persécutions. Parce qu'il est entré dans une sorte de cercle vicieux, sa soumission ne fait qu'alimenter la cruauté de Bastien. Ce dernier personnage est particulièrement glaçant : il mène un double jeu qui le rend irréprochable aux yeux des adultes, alors que ce qu'il fait subir à Valentin est écœurant. C'est un livre dur mais qui touche, il me semble, une vérité profonde sur le harcèlement. Il fait réfléchir sur l'aveuglement des adultes et des enfants qui entourent ceux qui en sont victimes et qui souvent, se murent dans le silence.

jeudi 3 novembre 2016

Meg Wolitzer - Les Intéressants

Quand Julie Jacobson débarque au camp de vacances de Spirit-in-the-Woods, elle rencontre des jeunes gens qu'elle trouve d'emblée extraordinaires : Ash, Ethan, Goodman et Jonah. Ils forment à eux cinq un groupe d'amis assez disparate et se baptisent "Les Intéressants". C'est à cette époque que Julie devient Jules. Intégrée à cette bande de jeunes gens cool, elle va se sentir pousser des ailes. Le livre suit la vie de ces différents personnages sur une quarantaine d'années.


Mon résumé ne fait pas très envie et pourtant ce livre est vraiment super. J'ai aimé chacun des personnages : l'auteur manie les points de vue avec beaucoup de talent. On a le sentiment d'avoir une vision d'ensemble de la manière dont fonctionne ce groupe et en même temps, les focus sur chaque personnage nous donnent aussi l'impression de les connaître intimement. Le livre suit une réflexion passionnante sur la perception que nous avons du monde et des autres, sur la diversité et la force des rapports amicaux, sur la manière dont on évolue de l'adolescence jusqu'à la cinquantaine et sur l'attrait nostalgique que présentent les années de jeunesse. Cela est surtout perceptible à travers le personnage de Jules qui est obnubilée par ses amis, la jalousie qu'elle éprouve à leur égard, l'amour profond qu'elle leur voue et qui est en même temps happée par la vie et ses nécessités. On a le sentiment de fréquenter ces êtres, de les connaître intimement, et je ferme le livre avec tristesse. C'est vraiment un beau et grand roman qui a le pouvoir de nous emporter, de nous faire vivre d'autres vies et côtoyer de beaux personnages.

dimanche 30 octobre 2016

Ransom Riggs - Miss Peregrine et les enfants particuliers

C'est l'adaptation de ce roman par Tim Burton qui m'en a fait entendre parler. J'ai donc préféré le lire avant d'aller au cinéma. Le pitch de départ est plutôt accrocheur : Jacob assiste aux derniers instants de son grand-père, qui lui transmet un étrange message avant de mourir. Le jeune héros âgé d'environ seize ans part alors avec son père pour Cairnholm, une île du Pays de Galle dans laquelle son grand-père a vécu enfant. Durant l'enfance de Jacob, le vieil homme lui racontait beaucoup d'histoires sur sa jeunesse, lui disant qu'il combattait des monstres, lui parlant d'enfants extraordinaires qu'il côtoyait. Des photos viennent illustrer ces histoires et leur donner un fond de vérité. Toutefois en grandissant, Jacob n'y croit plus vraiment. Il va pourtant bientôt faire la connaissance de Miss Peregrine et changer d'avis.


J'ai beaucoup aimé les photos qui émaillent le livre. Elles sont délicieusement fantastiques, et elles ont beau pour certaines être allègrement truquées, elles créent une atmosphère sacrément inquiétante. Le récit m'a fait penser à beaucoup d'autres romans pour la jeunesse : Peter Pan, Sacrées sorcières, Percy Jackson mais aussi des films comme X-Men ou Big Fish. J'ai trouvé l'ambiance du livre très sombre et effrayante (il y a des éléments vraiment macabres, comme la particularité d'Enoch). Dans l'ensemble ça m'a plu mais j'ai trouvé que ça mettait du temps à démarrer (mais ça c'est souvent le souci lorsqu'on met en place un univers) et par la suite, les cent dernières pages m'ont paru souffrir de quelques longueurs. En fait, il y a de très bonnes idées : la relation grand-père/père/fils notamment, qui aurait pu être davantage exploitée je pense ; les talents particuliers des enfants ; les histoires de boucles temporelles (même si ce n'est pas toujours facile à appréhender intellectuellement). Je reste donc un peu sur ma faim : le parallèle à faire entre les nazis et les monstres combattus par le grand-père n'est pas exploité alors qu'il y aurait eu de quoi faire (je pense à L'échiquier du mal de Dan Simmons) ; enfin,  peut-être que cela manque d'un petit supplément d'âme qui aurait fait que ça serait passé de vraiment bien à exceptionnel. Je m'en rends compte parce que je ne ressens pas le besoin impérieux de connaître la suite. Enfin, je verrai bien si je finis par la lire.
A noter que l'adaptation ciné prend de sacrées libertés avec l'histoire, notamment dans la deuxième partie, mais je l'ai trouvée visuellement très belle et plutôt réussie.

jeudi 27 octobre 2016

René Frégni - Sous la ville rouge

Charlie Hasard est boxeur et écrivain. Ces deux activités sont loin d'être contradictoires. Alors qu'il écrit depuis des années, il n'essuie que des refus de la part des éditeurs. Jusqu'au jour où un auteur célèbre vient en dédicace à Marseille, issu de ce petit milieu parisien dont Charlie se sent irrémédiablement exclu. Le boxeur suit pourtant l'auteur et tente de lui confier, sans succès, son manuscrit. C'est à ce moment-là que Charlie perd le contrôle et lui envoie son poing dans la figure.

 J'avoue qu'au début, j'étais un peu dubitative mais j'ai englouti ce roman presque d'une traite. J'ai été portée par le style de l'auteur, la poésie abrupte des mots. Charlie est un personnage attachant et profondément humain, dont la fragilité et le désarroi sont émouvants. J'ai aimé la façon dont il parle de l'écriture, le contraste entre son besoin viscéral de coucher des histoires sur le papier et sa quête effrénée de reconnaissance. C'est un livre assez étonnant et dont le style ne ressemble à aucun autre, il est à la fois prosaïque et tragique. Il nous dépayse en nous faisant déambuler dans un Marseille haut en couleurs, on oscille entre l'exaltation et la déréliction tour à tour ressenties par le héros. Une jolie découverte, un récit à la fois simple et profond.

dimanche 23 octobre 2016

Arthur Ténor - A mort l'innocent

L'histoire est racontée par Rémy, qui fut l'élève de M. Orthis au moment du drame. Dans les années 60, cet instituteur célibataire de trente-cinq ans est nommé professeur à Saint Clémentel. S'il suscite très vite l'adhésion de la plupart des élèves, c'est sans compter les mauvaises langues qui déblatèrent dans son dos. Gabriel Orthis serait homosexuel. Et les gens de désapprouver ce qui à l'époque était considéré comme une aberration mentale et que l'on confondait même avec la pédophilie.


Dans ce livre très pédagogique, l'auteur raconte sous la forme d'un fait divers, une histoire qui ne peut que susciter l'indignation. Les mentalités sont très datées et d'autant plus choquantes, l'injustice avec laquelle est traitée l'instituteur est tout simplement ahurissante. Par moments, j'ai trouvé cela tellement gros que je n'arrivais pas à y croire. Je trouve que la façon dont les enfants sont influencés par le jugement des adultes est rendue avec fidélité, je pense qu'il peut être intéressant d'étudier ce livre avec des ados et je serais assez curieuse de connaître leurs réactions.

jeudi 20 octobre 2016

Jean-Claude Mourlevat - Silhouette

Silhouette est un recueil de dix nouvelles, chacune longue d'une vingtaine de pages environ. Jean-Claude Mourlevat plante le décor rapidement et efficacement (vous me direz, c'est le principe de la nouvelle). Mais ce qui fait l'unité de ce recueil, c'est le ton. Ces textes sont le plus souvent cruels ou cyniques, mais cela les rend aussi parfois touchants et tristes. On découvre à chaque fois un personnage qui va se prendre une claque (métaphoriquement parlant) de la part de la vie. Forcément, on s'identifie : on tremble avec le héros et à la fin on est bien content de ne pas être à sa place.


Le procédé est redoutablement efficace et Jean-Claude Mourlevat étant un conteur hors pair, il fait mouche à peu près à chaque fois. J'ai pour ma part été traumatisée par la chute de "Silhouette", de "Case départ" et de "Pardon" ; mais aussi bouleversée par "Mon oncle Chris" et "Les jolis nuages". Je ne suis pas excessivement fan de nouvelles (je trouve que ce genre d'exercice est périlleux et produit un résultat souvent aléatoire) mais comme j'aime beaucoup Mourlevat, j'ai abordé ce livre avec confiance et j'en ressors ravie. Si tous les textes ne m'ont pas autant touchée, j'ai pris plaisir à déguster chaque mot, à chercher à deviner la chute de chaque texte. Ce fut un moment de lecture grisant et riche en surprises.

mardi 18 octobre 2016

Laurent Mauvignier - Continuer

Alors que son fils Samuel commence à mal tourner, Sibylle, divorcée, presque éteinte, décide d'organiser un long voyage avec lui. A cheval à travers le Kirghizistan. Ce projet fait naître en elle une énergie nouvelle. Elle pensait ne plus rien avoir à attendre de la vie et pourtant, dans ces paysages vastes et hostiles, au contact de la nature sublime et des populations autochtones, la mère et le fils vont apprendre à redonner du sens à leur existence.


J'avais beaucoup aimé Loin d'eux, le premier roman de cet auteur et il a de nouveau réussi à m'envoûter avec celui-ci. L'histoire est simple, et le résumé peut paraître a priori trop bien-pensant mais j'ai trouvé que Laurent Mauvignier peignait des personnages d'une densité étonnante. Le livre est assez contemplatif mais c'est avec plaisir qu'on découvre peu à peu les personnages et ce qui se tisse entre eux. On ne s'en tient pas à une vision manichéenne, chacun ayant des zones d'ombre, mais l'auteur ne se lance pas non plus dans un décryptage visant l'exhaustivité. C'est avec pudeur et subtilité qu'il nous fait comprendre de plus en plus intimement Sibylle et Samuel, et même Benoît. Chacun a en lui des failles, ils se heurtent les uns aux autres dans un ballet douloureux où les caresses se transforment en coups et inversement. Le récit est une véritable quête, marquée par les chutes et l'errance. On se cherche, on tâtonne beaucoup mais on finit toujours par se relever. C'est un livre sombre mais d'où émerge une douce lumière, portée par un dépaysement salutaire et annonciatrice d'un renouveau nécessaire. On en ressort grandi, comme si cette lumière nous avait un peu éclairés, le temps de la lecture.

mercredi 12 octobre 2016

Leïla Slimani - Chanson douce

Deux premières pages ahurissantes, d'une sauvagerie à peine supportable. Les corps de deux enfants sauvagement assassinés, la mère qui découvre le carnage, la nounou qui a essayé de se donner la mort (sans succès). C'est là-dessus que commence le dernier roman de Leïla Slimani. Avant de revenir en arrière pour repartir du début : Paul et Myriam qui prennent une nounou pour que Myriam puisse reprendre une activité professionnelle, elle qui étouffe à élever ses deux enfants pendant que son mari part travailler. Et pourtant, Louise trouve très vite sa place dans cette famille, une vraie fée du logis, à se demander comment la vie était possible avant, sans elle.


On lit ce livre sous tension, et il ne pourrait en être autrement après le choc provoqué par les deux premières pages. Il a beau n'y avoir aucun suspense, le fait de connaître la scène de carnage vers laquelle tend le récit nous tient en haleine. On a envie de savoir ce qui s'est passé, comment s'est noué le drame. Le livre est aussi extrêmement intéressant parce qu'il nous propose une lecture sociologique implacable  des rapports entre les personnages. C'est glaçant et affreusement déprimant. Personne n'est épargné. La peinture de chacun dans son mépris de classe, dans ses errements psychologiques, les malentendus et la montée du malaise. De plus en plus perceptible. Tous les ingrédients de la tragédie sont là, jusqu'à l'horreur la plus insoutenable. Bon je me répète mais vraiment, j'ai lu ce livre en apnée (certes parce que c'était bien mais aussi parce que c'était malsain et que j'avais hâte d'en finir). Du coup, je suis un peu sonnée, et j'aurais du mal à dire si c'est génial ou s'il vaudrait mieux brûler cet ouvrage affreux qui ne met en avant que la part la plus sombre des personnages. A lire si on a le cœur bien accroché, et en prévoyant un beau roman derrière pour (essayer de) nous redonner foi en l'humanité.

lundi 10 octobre 2016

Timothée de Fombelle - Le livre de Perle

Timothée de Fombelle est l'un de mes auteurs jeunesse préférés. Je suis tombée sous le charme de Tobie Lolness puis de Vango il y a déjà quelques années et je viens de relire Le livre de Perle, son dernier roman (paru en 2014). C'est une histoire qui entremêle l'univers des contes et le nôtre. Ilian a été chassé de son monde par un frère jaloux, à cause de l'amour d'une fée. Il est recueilli par Monsieur et Madame Perle qui tiennent une boutique de guimauves à Paris dans les années 1940. C'est une histoire merveilleuse qui nous parle des récits qui nous bercent depuis la nuit des temps, de notre rapport aux rêves et à l'imagination, mais aussi de la France pendant la Seconde Guerre Mondiale.


L'auteur signe un récit d'une densité rare, nous emporte dans un tourbillon d'aventures et de mélancolie. Nous faisons des allers et retours dans le temps, entre le récit du narrateur -double de l'auteur, et témoin privilégié de l'histoire entre Ilian et Olia- et l'incroyable odyssée de Perle, qui cherche coûte que coûte à rentrer chez lui. On se perd parfois dans les époques et les personnages, l'auteur nous entraîne sur de fausses pistes mais rapidement le puzzle se met en place. La poésie des mots est d'une douceur incroyable. On tombe amoureux de ces personnages, on a vraiment l'impression de voyager avec eux et c'est une expérience merveilleuse. Timothée de Fombelle est un conteur hors pair, il a ce pouvoir d'ouvrir une brèche par le biais des mots et de nous happer vraiment au travers des différents mondes. On rêve de voir ce livre adapté sous forme d'album, ou même (on peut rêver) au cinéma.

jeudi 6 octobre 2016

André Borbé - 6000 nuits

Esther et Edith ont seize ans et sont les meilleures amies du monde depuis leur plus tendre enfance. Elles vivent à Boucainvillier, ville gouvernée par un tyran et dans laquelle les livres sont interdits. Esther a un secret qu'elle cache pour éviter de s'attirer des ennuis : elle est insomniaque. Jamais elle n'a dormi de sa vie. Quand elle est contactée par la Société des Bienveillants pour devenir une conteuse, c'est l'occasion pour elle d'entrer en résistance.


Si l'histoire est plutôt alléchante a priori, j'ai eu du mal à rentrer dans le livre. Il regorge d'idées sympathiques mais finalement assez attendues. Les filles sont un peu superficielles, et surtout, j'ai eu beaucoup de mal à accrocher, à bien discerner tous les personnages, bref à rentrer véritablement dans le récit. Bon, j'ai peut-être lu en étant un peu fatiguée mais arrivée à la fin, il m'a fallu refeuilleter le livre depuis le début pour comprendre ce à côté de quoi j'étais passée. Certains passages manquent de clarté, et la fin est trop abrupte, voire même bâclée. Pourtant, tout se tient, sauf un élément que je n'ai pas compris à propos de Esther et Rehtsë (le fait que les prénoms soient identiques et inversés semble indiquer un lien entre les deux personnages mais je ne l'ai pas trouvé). Je suis restée sur ma faim, je pense qu'il y avait du potentiel mais que l'ensemble reste assez maladroitement ficelé.

mercredi 14 septembre 2016

Michael Morpurgo - Le roi Arthur

Un jeune garçon part de bon matin pour profiter de la marée d'équinoxe. Son but : rejoindre à pied les îles du Levant et en revenir. Malheureusement, il s'assoupit en chemin et lorsqu'il se réveille, la brume recouvre le paysage. Paniqué, il pense qu'il va se retrouver coincé avec la marée qui monte lorsqu'il entend un bruit de cloche qui se rapproche. Il se retrouve au chaud dans un bon lit. Un vieil homme avec une longue barbe le veille, il est accompagné d'un chien. Cet homme est le roi Arthur, et il va profiter de cette visite impromptue pour raconter son histoire au jeune garçon.


Pour qui connaît les histoires de la matière de Bretagne, ce livre n'apporte pas grand chose de nouveau. C'est une refonte (ambitieuse mais plutôt réussie) des histoires des plus célèbres chevaliers de la Table Ronde, adaptées pour la jeunesse. Le récit reste néanmoins dense et s'adresse à de bons lecteurs. On (re)découvre avec plaisir les aventures de Lancelot, Gauvain, Perceval et bien d'autres. Le triangle amoureux Lancelot-Arthur-Guenièvre est raconté avec talent. La passion en ce qu'elle a de tragique nous donne à croiser d'autres beaux personnages comme Tristan et Iseut. On est parfois un peu désorienté car les noms sont anglicisés (mais ils restent quand même assez transparents). Le récit d'Arthur gagne en intensité lorsqu'il évoque les événements qui l'ont touché directement mais devient un peu artificiel quand il s'agit de raconter les nombreuses aventures vécues par les autres. La forme (ce récit d'un personnage médiéval à un jeune garçon d'aujourd'hui) paraît un peu artificielle. Un resserrement de l'intrigue aurait permis de susciter davantage d'émotions et d'éviter quelques longueurs. Mais j'imagine que pour un adolescent curieux (si si, il en existe encore), c'est une bonne porte d'entrée vers l'univers arthurien.

dimanche 11 septembre 2016

Philippe Forest - Crue

Un homme parle, au nom de lui-même ou de quelqu'un d'autre, d'une révélation qu'il a pressentie à propos d'une énigmatique épidémie. Alors qu'il revient vivre dans la ville où il est né, il évoque les changements qu'a connus - et que continue de connaître - le quartier où il s'est installé. Lorsqu'un incendie embrase un immeuble non loin de chez lui, il fait la connaissance d'une femme et d'un homme. La première deviendra son amante ; le second lui livrera une étrange théorie sur le mouvement du monde et des êtres qui l'habitent.


Après la claque qu'avait représentée à mes yeux Le chat de Schrödinger, j'attendais avec impatience le nouveau "roman" de Philippe Forest (je mets le terme entre guillemets parce qu'il ne correspond pas vraiment à l'étiquette à donner aux livres de cet auteur). J'ai été plutôt déçue. Je ne peux pas dire que je n'aie pas aimé : l'auteur a un style fluide et ses réflexions sont plutôt intéressantes, voire passionnantes. Toutefois, j'ai trouvé le livre très long (trop long) à démarrer. J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de redites de ses précédentes publications (ce n'est pas nouveau parce que Philippe Forest poursuit une réflexion chaque fois approfondie au fil de ses différents livres, mais pour la première fois, cela m'a semblé répétitif et peu justifié par rapport au propos de l'ouvrage). Le début évoque l'évolution du paysage urbain, l'auteur étant soucieux de poser le cadre du récit qu'il va faire. C'est la solitude et l'isolement qui règnent en maîtres sur le récit. Beaucoup de choses justes sont dites, sans doute, mais le récit peine à prendre corps. A force de ne pas vouloir l'habiter, l'auteur ne parvient pas à lui donner une réelle consistance. Passé ce long préambule, la rencontre avec deux personnages - qui resteront eux aussi (et du fait de la volonté de l'écrivain) à l'état de silhouettes ébauchées - ne suffira pas à faire exister véritablement le récit. L'évocation à de nombreuses reprises du "caractère invraisemblable" de ce qui est raconté n'encourage pas non plus le lecteur à adhérer pleinement à l'histoire. Il reste toutefois des passages bouleversants et magnifiques : sur la mort de la mère du narrateur, qui est comme la répétition de celle de sa fille, sur le néant qui guette l'existence de tout être, sur l'irrémédiabilité de la perte, sur le monde qui se délite autour de cet homme à la dérive. Il y a les ingrédients pour faire un grand livre, mais c'est comme s'il était resté à l'état d'esquisse. La fiction est restée sur le pas de la porte et on se perd dans les méandres de réflexions qui, probablement, seraient mieux passées dans le cadre d'une fable pleinement assumée. Ainsi le roman que raconte l'auteur dans les dernières pages m'a paru troublant, j'ai bien compris la démonstration qu'il cherchait à faire et les étranges rapports entre le réel et la fiction qu'il cherchait à illustrer mais cela n'a pas suffi. L'impression de déréliction qui saisit le lecteur (et là encore, ce n'est pas un sentiment nouveau pour qui est un habitué de cet auteur) n'est malheureusement pas transcendée par la densité du propos. Le sentiment d'irréalité demeure, associé à celui de l'impuissance. On reste hébété, comme les spectateurs impuissants d'une apocalypse à venir que même les histoires qui nous accompagnent depuis toujours n'arrivent plus à sublimer. C'est finalement fort déprimant.

vendredi 9 septembre 2016

Aki Shimazaki - Wasurenagusa

Le tome 4 du Poids des secrets raconte l'histoire de Kenji Takahashi, le père adoptif de Yukio. Malgré l'insistance de son père et de sa mère à mettre le nez dans sa vie conjugale, Kenji tombe amoureux de Mariko. Comme il sait qu'il est stérile, il est heureux de pouvoir adopter son petit garçon de quatre ans afin d'avoir sa propre famille, même s'il doit pour cela couper les ponts avec ses parents.

Comme le montre la couverture, le titre désigne les fleurs de myosotis, dont le nom signifie littéralement "ne m'oublie pas". Cela vient d'une histoire du Moyen-âge : un chevalier avait voulu cueillir des fleurs au bord de l'eau à la demande de sa belle ; malheureusement le courant était rapide et il fut emporté, il lança les fleurs vers la jeune femme et lui dit ces mots avant de disparaître : "ne m'oublie pas".
Le récit est dans la suite des précédents ; il est intéressant d'y découvrir l'intériorité et les failles de chacun des protagonistes de l'histoire. On a beau changer de personnage, la permanence de motifs naturels (fleur, oiseau...) donne une belle unité à l'ensemble. On continue à découvrir les secrets qui parsèment ces existences. Une lecture toujours aussi touchante et agréable que les tomes précédents.

lundi 5 septembre 2016

Aki Shimazaki - Tsubame

Dans le tome 3 du Poids des secrets, on découvre les origines de la mère de Yukio et la raison pour laquelle elle ne les a jamais révélées à son fils. C'est l'occasion de revenir sur l'Histoire conflictuelle du Japon et de la Corée. C'est aussi le nouveau récit d'un drame familial, qui nous fait comprendre combien la pentalogie porte bien son nom.


En japonais, tsubame signifie "hirondelle". La présence de cet oiseau hante le texte, et son nom est aussi celui d'un des personnages déterminants de l'histoire. J'ai encore beaucoup apprécié ce troisième tome : on approfondit la découverte de la famille de Yukio, une famille  engluée dans les non-dits. Ces secrets qui rongent Mariko font retour de manière bouleversante, au détour d'une remarque de sa petite-fille. Avec beaucoup de délicatesse, l'auteure fait passer énormément de choses dans les silences de ses personnages. Il existe une harmonie extraordinaire entre la simplicité de l'écriture et la force des trajectoires de vies qui sont esquissées. C'est vraiment très beau.

samedi 3 septembre 2016

Jo Nesbo - Du sang sur la glace

Olav est un tueur à gages solitaire, dyslexique mais fan des Misérables et qui a tendance à prendre ses rêves pour des réalités. Quand Daniel Hoffmann, un des trafiquants les plus importants d'Oslo, lui demande de tuer son épouse, ce n'est plus un contrat parmi d'autres. D'autant plus qu'Olav va tomber amoureux de cette femme.


C'est le premier roman que je lis de cet auteur et j'avoue avoir été déçue. Olav est un personnage plutôt sympathique mais je n'ai pas réussi à éprouver de l'empathie à son égard. Il est trop déconnecté, je l'ai trouvé vraiment trop naïf. De même, j'ai eu un mal fou à rentrer dans l'histoire, à accrocher à ce qui se passait et à retenir les identités des différents personnages (et pourtant, il n'y en avait pas énormément, preuve que j'ai vraiment eu du mal). Je l'ai lu jusqu'au bout parce qu'il n'était pas bien long (172 pages), et j'ai bien fait parce que la fin est plutôt bien amenée et je me suis fait balader. Mais cette lecture ne restera pas gravée dans ma mémoire.

jeudi 1 septembre 2016

Jeff Kinney - Journal d'un dégonflé (tome 1)

Greg Heffley s'est fait offrir par sa mère un journal intime. Cela ne l'enchante guère : il est hors de question qu'il y inscrive ses états d'âme. Il va donc plutôt en faire un "carnet de bord", revenant au quotidien sur les événements qui jalonnent sa vie d'adolescent de 5ème.



Ce livre est léger et drôle. Greg Heffley est un ado dans toute sa splendeur. J'ai beaucoup aimé le ton "1er degré" du livre, agrémenté à chaque page de dessins mettant en relief la dimension comique et absurde des situations évoquées. Greg a le chic pour se mettre dans des situations pas très enviables et pour faire tomber à l'eau la plupart des projets qu'il entreprend. Pourtant il ne manque pas d'imagination (s'organiser un programme de musculation, créer sa propre maison hantée, devenir une personnalité populaire du collège...) mais il n'est pas aidé entre sa famille (peu compréhensive, comme le montrent nombre de situations qu'il évoque) et son ami Robert (un peu crétin à ses yeux et qu'il ne ménage pas). On prend plaisir à recomposer la réalité des faits puisque le point de vue de Greg est - c'est le moins qu'on puisse dire - partial. Une lecture-détente bien sympathique, sur un mode humoristique et loufoque.

mardi 30 août 2016

Aki Shimazaki - Hamaguri

Dans le tome 2 de la pentalogie Le poids des secrets, l'histoire est cette fois racontée du point de vue de Yukio. On revient donc sur la jeunesse de ce personnage et notamment sur son amour pour Yukiko, dont il ignorait alors la véritable identité.

Les récits se suivent, s'entrecroisent parfois mais sans jamais qu'on éprouve un sentiment de redite. J'ai plongé dans les pensées de Yukio avec autant d'intérêt que celui que je ressentais hier pour celles de Yukiko. J'ai aimé cette manière de donner à lire l'histoire selon un éclairage différent, qui modifie le regard qu'on portait initialement sur les personnages. On en apprend un peu plus, comme si on avait le pouvoir d'omniscience, de voyager dans le temps et dans l'espace de façon à comprendre plus précisément les sentiments et les agissements de chacun. Il n'y a pourtant pas de suspense mais c'est assez grisant d'explorer successivement la psychologie de chaque personnage.
Le mot hamaguri signifie "palourde" et renvoie aux coquillages avec lesquels les deux personnages jouaient enfants, et sur lesquels ils avaient inscrit et réuni leurs deux prénoms, afin de sceller leur amour. C'est encore une fois à travers la simplicité poignante des souvenirs délicatement ravivés que l'auteure nous touche en plein cœur.

lundi 29 août 2016

Aki Shimazaki - Tsubaki

Je ne suis pas férue de littérature asiatique, pire que cela, a priori ça ne m'attire pas du tout. Heureusement, je suis suffisamment friande de conseils de lectures pour que mes préjugés ridicules volent en éclats quand on me vante un livre. J'ai donc découvert avec beaucoup de plaisir le premier tome de la pentalogie Le poids des secrets. A la mort de sa mère (dont la fleur préférée était le camélia : tsubaki en japonais), la narratrice découvre des secrets de famille dans la lettre que cette dernière lui a adressée avant de mourir.


J'ai beaucoup apprécié ce court roman (113 pages), d'une simplicité et d'une efficacité étonnantes. J'ai aimé découvrir l'évocation du bombardement de Nagasaki en 1945 du point de vue japonais, cela remet l'Histoire en perspective. Je me suis attaché au personnage de la mère, que le livre nous fait découvrir par le biais de la longue lettre dans laquelle elle fait à sa fille le récit de sa jeunesse. L'auteure ne développe pas les sentiments éprouvés par les personnages à travers de longues pages, mais par petites touches, par des phrases courtes et au travers de dialogues qui savent aller à l'essentiel. Le drame vécu est retranscrit avec justesse, sans fioritures. On se met parfaitement à la place de l'héroïne et on est saisi par les épreuves qui jalonnent son existence. Les personnages de Yukio et Yukiko sont beaux et touchants dans leur histoire d'amour empêchée. Je vais donc poursuivre avec plaisir ma découverte de cet univers avec le tome 2 : Hamaguri.

samedi 27 août 2016

Philippe Forest - Une fatalité de bonheur

Ce livre prend la forme d'un abécédaire dont les vingt-six entrées sont empruntées à l’œuvre d'Arthur Rimbaud. On aurait toutefois tort de s'attendre à un ouvrage théorique et rébarbatif (j'ai toujours eu un peu de mal avec Rimbaud, même si je reconnais volontiers la vertigineuse densité de son œuvre).


La littérature rimbaldienne est ici avant tout un prétexte. Philippe Forest visite ou revisite des motifs qui traversent ses livres précédents, en leur apportant un éclairage un peu différent, inédit. C'est un livre assez étonnant, à la fois intime et universel (ce qui est finalement assez caractéristique de ce que fait Forest dans chacun de ses ouvrages). Il évoque ainsi la mort de sa fille, d'une manière bouleversante, dans les article "Deuil" et "Enfant". Il revient sur sa conception de la littérature, mais il parle aussi de politique, de sexe, du concept de modernité, dans un livre patchwork qui se révèle cependant au fil des pages d'une cohérence étonnante. Quant à Rimbaud, il est toujours présent en filigrane, prétexte à une réflexion plus riche et plus universelle que si le livre s'était présenté comme un essai classique. Philippe Forest n'hésite pas à souligner l'hermétisme de certains textes de celui que Verlaine surnommait "l'homme aux semelles de vent", il ne cherche aucunement à nous accabler d'explications hasardeuses ou tirées par les cheveux. Il lit Rimbaud à l'aune de sa propre subjectivité, nous livrant un peu de lui et en même temps un peu de nous. Il nous donne en quelque sorte un modèle de posture à adopter en tant que lecteur. On referme le livre avec la sensation d'en savoir plus, et pas seulement sur Rimbaud, d'être capable de porter un regard d'une plus grande acuité sur le monde.

mercredi 24 août 2016

Michel Bussi - Nymphéas noirs

La mise en bouche de ce polar est fort aguicheuse : l'intrigue se passe à Giverny, où un meurtre a été commis. La victime, Jérôme Morval, était un amateur d'art qui rêvait d'acquérir un authentique "Nymphéas". Mais dans le cadre idyllique du petit village de Claude Monet, les habitants cachent bien leur jeu et les inspecteurs Sérénaç et Bénavidès ont fort à faire. Accompagnés de Neptune, le chien du village, qui ne cesse d'aller et venir, leur enquête va bien vite se révéler plus complexe qu'il n'y paraît.



Ça fait beaucoup de Michel Bussi en peu de temps mais j'étais fort enthousiasmée par le sujet, étant une grande amoureuse des Nymphéas de Monet. Ajoutez à cela que l'auteur évoque à plusieurs reprises Aurélien d'Aragon, de quoi me mettre dans sa poche une bonne fois pour toutes. Et pourtant...
Je ressors de Nymphéas noirs plutôt mitigée. Je pense que j'ai tout de même préféré Un avion sans elle où les personnages étaient moins caricaturaux. En fait, je les ai trouvés assez artificiels, Laurenç Sérénac et Stéphanie Dupain en tête. Je n'ai pas éprouvé pour eux la moindre empathie.Pourtant leur idylle présente un certain potentiel, mais le traitement de celle-ci est complètement raté. Les références à Aragon et le parallèle avec Aurélien et Bérénice tombent à plat. C'est vraiment regrettable. Quant à la jeune Fanette Morel, il me paraît complètement aberrant de faire s'exprimer une enfant de onze ans comme une adulte. Enfin, j'ai du mal avec le côté encyclopédique de certains passages ; j'ai beau être ravie d'apprendre des choses sur un sujet qui me passionne, là il y en a des tartines et amenées de manière très académique, artificielles par rapport à l'intrigue générale.
Par contre, j'ai été bluffée par la fin et je reconnais volontiers m'être fait balader tout au long du roman. Mais plus j'y repense, plus je trouve l'ensemble un peu gros. Je me suis dit qu'il faudrait que je relise des passages mais comme ça ne m'a pas non plus emballée outre mesure, je vais m'abstenir.
Ce livre reste un divertissement tout à fait honnête et remplit sa fonction de lecture de vacances. Je l'ai dévoré comme le précédent mais une fois terminé, la sensation de ne pas avoir été correctement nourrie a perduré.

lundi 22 août 2016

Helen Dunmore - Le mensonge de Daniel Branwell

Après la guerre 14-18, Daniel Branwell revient au pays. Il vit à l'écart du village, dans la propriété de Mary Pascoe dont il cultive le lopin de terre. Daniel est doué d'une mémoire remarquable, il est aussi profondément marqué par la guerre et les traumatismes qu'elle a engendrés.


Ce livre est porté par une écriture superbe : la traduction est très bonne. Bien sûr, on ne le lira pas pour le suspense. Il ne se passe en effet pas grand chose dans ce très beau récit mais la délicatesse des sentiments qui affleurent, l'évocation saisissante de l'expérience de la guerre et les très beaux extraits de poésie qui le jalonnent en font un petit bijou. J'aime ce genre de roman où c'est au lecteur de reconstruire les événements, de lire entre les lignes. On est frappé par la puissance de certaines phrases, la beauté de certaines scènes. On se prend à savourer chaque mot. Daniel est un personnage tout en pudeur et en fragilité, à la fois ordinaire et extraordinaire, d'une humanité et d'une force incroyables. Les sentiments sont évoqués par petites touches et nous permettent de reconstituer peu à peu le paysage de l'existence des héros. C'est un travail d'orfèvre.Même après avoir refermé le livre, il vous hantera encore un moment.

samedi 20 août 2016

Michel Bussi - Un avion sans elle

Tout commence par un accident d'avion dans le Jura en 1980 : il n'y a qu'une seule survivante, un bébé de trois mois. Manque de bol, il y avait deux bébés de cet âge dans l'avion. Dès lors deux familles vont se déchirer pour récupérer la petite rescapée. Le suspense du livre est centré sur l'identité de la petite Lilye (oui, par un choix bien pratique de l'auteur, elle s'appelle soit Emilie soit Lyse Rose, d'où le surnom facile).

Malgré des réticences, je me suis lancée dans Michel Bussi et le bilan est plutôt positif dans la mesure où cela correspond à ce à quoi je m'attendais. Le récit est bien mené, l'intrigue est efficace. Je confesse l'avoir dévoré en vingt-quatre heures et ne l'avoir quasiment pas lâché de la journée. Il y a toutefois un enrobage très artificiel et cul-cul au début : une course contre la montre bidon pour empêcher Emilie de commettre l'irréparable (oui, elle s'appelle Emilie, mais on le sait dès le début donc je ne vous ai pas spoilé ; en plus on apprend très vite que ça ne veut pas dire grand chose). Mais l'histoire est prenante, et je me suis laissé emporter par le journal de Crédule Grand Duc (mais qu'est-ce que c'est que ce nom ?) avec plaisir (sauf bien sûr quand l'auteur s'amuse à nous faire poireauter en interrompant continuellement son récit sous des prétextes plus fallacieux les uns que les autres). Donc ça se lit bien, mais on sent les grosses ficelles par moments et c'est un peu dommage car les auteurs de polars sont parfois plus subtils ; je le dis avec d'autant plus de bonne foi que je suis assez bon public pour me laisser mener en bateau.
Ce livre est donc une bonne lecture de vacances, qu'on imagine très bien adaptée en téléfilm sur tf1 ou france 2. Après, c'est vraiment du prêt à consommer, et ça ne me laissera pas un souvenir impérissable.