dimanche 11 septembre 2016

Philippe Forest - Crue

Un homme parle, au nom de lui-même ou de quelqu'un d'autre, d'une révélation qu'il a pressentie à propos d'une énigmatique épidémie. Alors qu'il revient vivre dans la ville où il est né, il évoque les changements qu'a connus - et que continue de connaître - le quartier où il s'est installé. Lorsqu'un incendie embrase un immeuble non loin de chez lui, il fait la connaissance d'une femme et d'un homme. La première deviendra son amante ; le second lui livrera une étrange théorie sur le mouvement du monde et des êtres qui l'habitent.


Après la claque qu'avait représentée à mes yeux Le chat de Schrödinger, j'attendais avec impatience le nouveau "roman" de Philippe Forest (je mets le terme entre guillemets parce qu'il ne correspond pas vraiment à l'étiquette à donner aux livres de cet auteur). J'ai été plutôt déçue. Je ne peux pas dire que je n'aie pas aimé : l'auteur a un style fluide et ses réflexions sont plutôt intéressantes, voire passionnantes. Toutefois, j'ai trouvé le livre très long (trop long) à démarrer. J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de redites de ses précédentes publications (ce n'est pas nouveau parce que Philippe Forest poursuit une réflexion chaque fois approfondie au fil de ses différents livres, mais pour la première fois, cela m'a semblé répétitif et peu justifié par rapport au propos de l'ouvrage). Le début évoque l'évolution du paysage urbain, l'auteur étant soucieux de poser le cadre du récit qu'il va faire. C'est la solitude et l'isolement qui règnent en maîtres sur le récit. Beaucoup de choses justes sont dites, sans doute, mais le récit peine à prendre corps. A force de ne pas vouloir l'habiter, l'auteur ne parvient pas à lui donner une réelle consistance. Passé ce long préambule, la rencontre avec deux personnages - qui resteront eux aussi (et du fait de la volonté de l'écrivain) à l'état de silhouettes ébauchées - ne suffira pas à faire exister véritablement le récit. L'évocation à de nombreuses reprises du "caractère invraisemblable" de ce qui est raconté n'encourage pas non plus le lecteur à adhérer pleinement à l'histoire. Il reste toutefois des passages bouleversants et magnifiques : sur la mort de la mère du narrateur, qui est comme la répétition de celle de sa fille, sur le néant qui guette l'existence de tout être, sur l'irrémédiabilité de la perte, sur le monde qui se délite autour de cet homme à la dérive. Il y a les ingrédients pour faire un grand livre, mais c'est comme s'il était resté à l'état d'esquisse. La fiction est restée sur le pas de la porte et on se perd dans les méandres de réflexions qui, probablement, seraient mieux passées dans le cadre d'une fable pleinement assumée. Ainsi le roman que raconte l'auteur dans les dernières pages m'a paru troublant, j'ai bien compris la démonstration qu'il cherchait à faire et les étranges rapports entre le réel et la fiction qu'il cherchait à illustrer mais cela n'a pas suffi. L'impression de déréliction qui saisit le lecteur (et là encore, ce n'est pas un sentiment nouveau pour qui est un habitué de cet auteur) n'est malheureusement pas transcendée par la densité du propos. Le sentiment d'irréalité demeure, associé à celui de l'impuissance. On reste hébété, comme les spectateurs impuissants d'une apocalypse à venir que même les histoires qui nous accompagnent depuis toujours n'arrivent plus à sublimer. C'est finalement fort déprimant.

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