Ce livre prend la forme d'un abécédaire dont les vingt-six entrées sont empruntées à l’œuvre d'Arthur Rimbaud. On aurait toutefois tort de s'attendre à un ouvrage théorique et rébarbatif (j'ai toujours eu un peu de mal avec Rimbaud, même si je reconnais volontiers la vertigineuse densité de son œuvre).
La littérature rimbaldienne est ici avant tout un prétexte. Philippe Forest visite ou revisite des motifs qui traversent ses livres précédents, en leur apportant un éclairage un peu différent, inédit. C'est un livre assez étonnant, à la fois intime et universel (ce qui est finalement assez caractéristique de ce que fait Forest dans chacun de ses ouvrages). Il évoque ainsi la mort de sa fille, d'une manière bouleversante, dans les article "Deuil" et "Enfant". Il revient sur sa conception de la littérature, mais il parle aussi de politique, de sexe, du concept de modernité, dans un livre patchwork qui se révèle cependant au fil des pages d'une cohérence étonnante. Quant à Rimbaud, il est toujours présent en filigrane, prétexte à une réflexion plus riche et plus universelle que si le livre s'était présenté comme un essai classique. Philippe Forest n'hésite pas à souligner l'hermétisme de certains textes de celui que Verlaine surnommait "l'homme aux semelles de vent", il ne cherche aucunement à nous accabler d'explications hasardeuses ou tirées par les cheveux. Il lit Rimbaud à l'aune de sa propre subjectivité, nous livrant un peu de lui et en même temps un peu de nous. Il nous donne en quelque sorte un modèle de posture à adopter en tant que lecteur. On referme le livre avec la sensation d'en savoir plus, et pas seulement sur Rimbaud, d'être capable de porter un regard d'une plus grande acuité sur le monde.
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