Après avoir écouté une émission traitant de ce thème sur France Inter pendant les vacances, j'ai eu envie de me pencher sur l'approche psychanalytique du sujet que propose Patrick Avrane dans son livre.
Etayant son propos d'un certain nombre de références littéraires (Werther, Tristant et Iseult, Roméo et Juliette...pour ne citer que les titres les plus connus), Patrick Avrane s'attache à décortiquer le chagrin d'amour et à en éclairer les différentes facettes. J'ai été intéressée par l'approche littéraire même si j'ai regretté que l'auteur ne fasse pas référence à Belle du Seigneur ou aux Fragments d'un discours amoureux. En revanche, j'ai été moins convaincue par certaines études de cas, sans doute parce que dès lors qu'on s'arrête sur des personnes réelles, elles perdent la dimension universelle des personnages de fiction. La dernière partie évoquant les frasques d'Anaïs Nin se tapant tour à tour son père et ses deux psychanalystes ne m'a pas convaincue non plus : je n'en ai pas vu l'intérêt et c'est bien dommage de finir sur cette mauvaise impression.
En tout cas, je retiens de ce livre une étude tout à fait intéressante sur La femme du boulanger de Pagnol dont j'aimerais beaucoup voir l'adaptation avec Raimu, et sur Le château des Carpathes de Jules Verne. Patrick Avrane réussit à faire ressortir de ces œuvres un mode de fonctionnement du sentiment amoureux qui est tout à fait instructif.
Et puis évidemment, ce livre a une résonance différente en chacun selon son vécu personnel. Et c'est peut-être dans le prologue de cet ouvrage que l'auteur touche au plus juste à propos de cette question en évoquant la figure d'Orphée.
Le chagrin d'amour naît de multiples causes, mais fait toujours
irruption comme une condamnation sans appel, une sorte de mort.
Certains, comme Werther, n'y survivent pas. D'autres le traversent,
taciturne ou ressassant leur plainte, seul ou entouré. Tous cependant
font figure de héros, au sens originel du mot, dans la mesure où ils se
confrontent au plus profond des cataclysmes : la perte d'amour.
Surmonter ce désastre, c'est faire un pas de plus dans la condition
humaine, c'est, tel Orphée, revenir des enfers en laissant l'être aimé
derrière soi. C'est aussi, nous dit Patrick Avrane, s'ouvrir à une
connaissance de soi. Car, dans l'amour, il y a toujours une part de
tromperie. On aime dans l'autre une image idéalisée, miroir de nos
désirs - l'amour rend aveugle, dit-on. Dès lors, le chagrin décille. Il
peut même nous révéler une vérité essentielle : cette faille en chacun
qui fait qu'on n'est jamais tout pour l'autre. Et alors nous initier à
une nécessité vitale : la capacité à être seul. Ainsi le chagrin d'amour
est-il un des premiers pas vers l'âge adulte, une expérience de rupture
: c'est Juliette s'opposant à sa famille pour aimer Roméo, jusqu'à la
mort. Nourri aux chagrins amoureux de la littérature (Werther, Tristan
et Yseut, Phèdre, ou même Amable, le boulanger de Pagnol) autant qu'à
des expériences racontées au psychanalyste, ce livre nous montre aussi
que la perte d'un être aimé ne peut être recouverte, le chagrin, lui, se
traverse.
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