mercredi 20 juin 2012

Jean-Philippe Blondel - G 229

Ma première lecture de Jean-Philippe Blondel date de quelques mois maintenant, c'était Et rester vivant que j'avais apprécié mais dans lequel j'avais eu du mal à rentrer. J'ai savouré davantage G 229. Ce titre énigmatique renvoie tout simplement au numéro de la salle de classe qu'occupe le professeur d'anglais qu'est Jean-Philippe Blondel. Dans ce roman autobiographique, il revient sur son métier et notamment sur le plaisir qu'il lui procure. La narration suit le fil des pensées de l'écrivain et dessine en filigrane l'évolution d'une carrière, l'étrange rapport au temps qui s'instaure entre celui qui fut élève un jour et ceux à qui il enseigne aujourd'hui.


Le style de l'auteur m'a porté comme un raz-de-marée. Le fait que je me sente si concernée y a sans doute été pour beaucoup mais je trouve vraiment qu'il a réussi à donner à son expérience un caractère universel. Ce n'est pas un livre engagé, c'est le récit sincère d'un homme qui aime enseigner et qui cherche à décrypter cette drôle d'aventure humaine dans laquelle il est embarqué depuis de nombreuses années et dont il n'arrive pas à se lasser. L'écriture est portée par un amour des autres, une lumière, qui continue de vous accompagner une fois le livre fermé. On pourra dire ce qu'on veut sur les profs, les critiquer à tour de bras, médire tant qu'on veut... il n'empêche qu'on fait un beau métier. Un métier usant, fatigant, qui me fait pester à longueur de temps, mais un métier qui donne la sensation de se rendre utile à quelque chose, de se lever le matin pour accomplir quelque chose qui en vaut la peine. Et cela, on le ressent très fort à la lecture de Jean-Philippe Blondel, cela ressort dans un mélange de simplicité et d'évidence. Je ne sais pas si être prof, c'est faire partie d'un monde un peu à part mais j'en ai parfois l'impression. J'espère que beaucoup de gens liront ce livre et seront aussi émus que moi, même (et surtout) s'ils n'ont jamais fait ce métier.

Je terminerai avec un extrait qui a sonné très familièrement à mes oreilles :

On a rempli ses voeux l'an dernier et on n'y a pas prêté plus attention que ça, on s'est bercés d'illusions, on s'est dit, oh, il y aura bien un trou de souris par lequel je pourrais me glisser mais on s'est fourré le doigt dans l'oeil jusqu'au coude. On a découvert au début des vacances - horreur ! - qu'on était nommé en Picardie en Lorraine en Champagne-Ardenne ou dans la ceinture parisienne. Les numéros de département se sont mis à tourner dans notre tête  - 10, 08, 59, 54, 52, 77, et plus on approchait de Paris, plus ils se décomposaient, 9.3., 9.2., comme un compte à rebours. On a paniqué, on a failli avoir une syncope.


Les vacances ont eu leur effet lénifiant, on était avec son amoureux ou son amoureuse, sur la plage ou dans la campagne,  et on ânonnait des mots tendres et des pansements verbaux, mais non, ce n'est que pour une année et après tu auras ta mutation, moi je vais rester là mais je t'attendrai je te promets je le jure croix de bois croix de fer si je mens je vais en enfer, et puis tu deviens prof les vacances toutes les six semaines, ce ne sera pas long on se téléphonera textotera webcamisera tous les jours mon amour tout va bien aller, tu ne te rends pas compte de ta chance, fonctionnaire, par les temps qui courent, et puis plus tard, quand on aura des enfants ce sera génial tu seras en congé en même temps qu'eux.

On y a cru.
On y croit tous.

2 commentaires:

  1. Effectivement, Violaine, je suis absolument d'accord avec toi : ce court roman est extrêmement émouvant. Devenir prof, c'est un peu vouloir échapper au temps qui passe. J'imagine que chaque prof s'y retrouve à la lecture et que chaque adulte se rappelle les joies et tristesses de son adolescence.

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  2. Merci Anonyme (dommage que tu n'aies pas signé ton message). Je ne suis pas prof depuis très longtemps mais je ressens obscurément cet étrange rapport au temps qui me fait me sentir immobile tandis que les flots d'élèves se succèdent à toute allure.

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