jeudi 28 juin 2012

Véronique Olmi - Le premier amour

"Emilie, Aix 1976. Rejoins-moi au plus vite à Gênes. Dario."
Alors qu'elle s'apprête à fêter ses vingt-cinq ans de mariage avec Marc, Emilie tombe par hasard sur cette annonce. Elle laisse tout en plan et prend sa voiture, direction l'Italie. Ce voyage sera l'occasion pour elle de faire un retour sur soi : la femme et la mère qu'elle a été, la vie qui a été la sienne, ses souvenirs de jeunesse. Quand a-t-elle été véritablement heureuse ? Pourquoi vouloir revoir celui qui a été son premier amour ?


Ce retour sur un parcours de femme m'a rappelé certaines pages d'Annie Ernaux, même si ici la démarche ne s'annonce pas autobiographique mais fictionnelle. Le style de Véronique Olmi est envoûtant et rend compte de la puissance fascinante exercée par les souvenirs. C'est un très beau livre, d'un rayonnement singulier et qui invite à réfléchir sur la vie telle qu'elle s'offre à nous. Vient un jour où l'occasion se présente pour tout un chacun de jeter un regard en arrière. Et alors, qu'est-ce qui reste ? Quelles images gardera-t-on de cette vie lorsqu'elle sera passée ? Quelques îlots éclatants qui surnageront au milieu de la fange du quotidien. Quelques morceaux d'arc-en-ciel qui iriseront l'eau grise. L'oubli aura sans doute lui aussi accompli son travail de sape et ça ne sera sans doute pas plus mal. Un livre touchant qui rend compte avec justesse de ce qui fait la saveur et la douleur d'une existence.

Je suis plus jeune aujourd'hui qu'à 20 ans. Mes désirs sont plus légers, mes a priori aussi. Je voulais me marier, avoir des enfants, un métier, des amis, des vacances et des Noël. J'ai eu tout ça. J'y ai mis tant d'énergie, tant d'énergie, de peur et d'attention, j'ai suivi tant de conseils, lu tant de livres, de magazines, passé tant d'heures au téléphone avec des amies qui avaient des enfants du même âge, des maris trop sérieux ou volages, trop présents ou pressés, et qui me donnaient des adresses de gîtes de France, de pensions pas chères, de baby-sitters sérieuses, de médecins compétents, de psychologues disponibles, on échangeait nos colères et nos fatigues mais jamais pour s'en débarrasser, toujours pour les surmonter, les faire passer pour une défaillance passagère, on avait tort. Rien de tout cela n'était passager, et j'ai perdu tant de temps à prendre sur moi que je suis passée par-dessus bord. Et aujourd'hui mes propres enfants, qui m'ont pris mon sang mon temps mes nuits mon insouciance mon argent mon nom, ces enfants n'étaient pas d'accord pour que j'aille en Italie ? N'étaient pas d'accord ? C'était à mourir de rire, vraiment !  
Au nom de quoi me serais-je retenue de partir ? Parce que ça n'était pas raisonnable ? Il fallait que je "ne fasse pas la jeune", que je sois la bonne gardienne de mon âge ? Combien de millions  étions-nous à avoir  exactement 48 ans ? Coralie Finel... France... Magali... Des classes entières de femmes de 48 ans, d'anciennes amoureuses, de jeunes grands-mères et de vieilles rêveuses. car nous rêvons. Nous rêvons au baiser qui réveille la princesse qui a tellement dormi que ses cheveux sont devenus longs comme son ennui, et une annonce dans le journal nous met soudain sur pied, le coeur traversé d'un courant électrique, les yeux grand ouverts, et tout ce qui n'est plus de notre âge, peut enfin arriver.

4 commentaires:

  1. Je le note alors, car j'ai beaucoup aimé le style de l'auteure ! Merci pour le conseil, Clara.

    RépondreSupprimer
  2. Effectivement, ça a l'air vraiment bien... Comment me le procurer ici??:)
    Sympa ton blog ma copine, continue!
    Delphine

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh ma douce, quelle joie de te lire ici ! Tu sais, la fin est moins bien que le début mais c'est un livre qui invite à la réflexion et ça, c'est chouette !
      Pour te le procurer, je ne vois pas d'autre solution que ton retour en France. :-D

      Supprimer