La veuve de Kurt Gödel, un grand mathématicien du XXème siècle (dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce que je lise ce roman), est sur le point de mourir. Son mari travaillait à l'Université de Princeton et était ami avec Albert Einstein. L'université (qui aimerait récupérer les archives de l'éminent scientifique) envoie Anna Roth, une jeune documentaliste, pour réussir à convaincre la vieille dame de lui céder ses documents. Elle se trouve face à une femme qui n'a rien perdu de sa force de caractère et qui la reçoit sans ménagement. Petit à petit, elles vont toutefois apprendre à s'apprivoiser et de cette rencontre naîtra une complicité improbable.
J'ai été impressionnée par la densité de ce livre. Pour son premier roman, Yannick Grannec s'est attaquée à un sujet pointu : la biographie romancée d'un mathématicien. Et elle a réussi à rendre cela très intéressant. J'ai beaucoup aimé les maths dans ma scolarité mais je me suis lancée dans des études littéraires ; du coup, je ne suis pas ce qu'on peut appeler une scientifique. Toutefois, j'ai trouvé qu'elle savait vulgariser les choses sans les rendre simplistes ou indigestes ; et puis, le personnage d'Adèle Gödel étant totalement étranger aux hautes sphères de la science, le sujet sert de toile de fond tandis que ce sont les rapports humains qui sont mis au premier plan du récit. Adèle et Anna sont des personnages complexes, des femmes perdues dans un monde d'hommes (a fortiori d'hommes scientifiques). Adèle est remarquable par sa force de caractère : elle a eu une vie particulièrement éprouvante, ayant épousé un homme dépressif dont l'esprit a, durant toute son existence, flirté avec la folie. Elle a renoncé à avoir des enfants, a toujours soutenu son mari, jusqu'à le détester, jusqu'à n'en plus pouvoir. Anna, quant à elle, a toujours eu des rapports compliqués avec ses parents. Souffrant d'un manque de confiance en soi, elle n'a jamais trouvé à s'épanouir pleinement. Elle éprouve des sentiments compliqués à l'égard de Leo, son ami d'enfance, lui aussi versé dans les mathématiques et particulièrement brillant. Elle s'identifie donc à Adèle (ce qui ne lui donne guère envie de prendre la même direction qu'elle d'ailleurs). J'ai donc beaucoup apprécié ce livre : de façon subtile et saisissante, Yannick Grannec nous offre une réflexion sur l'existence, le renoncement et l'amour. C'est un très bon roman qui m'a touchée et m'a donné le sentiment d'apprendre plein de choses. Une belle découverte !
-Avez-vous assisté à la genèse du théorème d'incomplétude ?
-Pourquoi ? Vous comptez écrire un bouquin ?
-J'aimerais entendre votre version. Ce théorème est devenu une sorte de légende pour initiés.
-Cela m'a toujours bien fait rire. Tous ces gens qui parlent de ce foutu théorème. En réalité, je serais étonnée que la moitié d'entre eux l'aient compris. Quant à ceux qui s'en servent pour démontrer tout et n'importe quoi ! Moi, je reconnais les limites de ma compréhension. Elles ne sont pas celles de ma paresse.
-Ces limites ne vous mettent pas en colère ?
-A quoi bon lutter si on n'y peut rien ?
-Ca ne vous ressemble pas.
-Vous pensez déjà me connaître ?
-Vous êtes plus que vous n'en laissez paraître. Mais pourquoi moi ? Pourquoi l'autorisez-vous à revenir ?
-Vous n'avez pas hésité à me malmener. J'ai horreur de la condescendance. J'apprécie votre mélange d'excuses et d'insolence. J'aimerais découvrir ce que vous cachez sous votre jupe de première communiante.
samedi 29 septembre 2012
lundi 24 septembre 2012
The Fountain
J'ai regardé pour la énième fois ce soir ce film que j'aime beaucoup même si je n'en comprends pas tous les niveaux. C'est un film vraiment étrange qui raconte l'histoire d'amour de Tom et Izzy : Izzy est atteinte d'une tumeur, Tom est un chercheur qui fait des expériences pour tenter de la sauver. A l'approche de sa mort, Izzy est étrangement sereine. Elle écrit un livre où elle raconte une histoire qui se passe en Espagne au temps de l'Inquisition : la reine envoie un Conquistador dans la jungle pour trouver l'Arbre de vie qui lui donnera l'immortalité. Et puis il y a une troisième histoire : un homme chauve qui chérit jalousement un arbre dans une bulle perdue au milieu de l'espace. Les trois histoires sont poreuses parce qu'elles regroupent les mêmes protagonistes et racontent finalement la même chose.
Pour moi, ce film est un véritable poème. Déjà, la musique est sublime, et elle accompagne chaque moment important de la manière la plus délicate qui soit. Ensuite, le couple Rachel Weisz/Hugh Jackman est vraiment touchant. Enfin, la façon dont les récits s'entremêle a beau être déroutante, elle est esthétiquement très soignée et fait sens d'un point de vue purement émotionnel. J'avoue que j'ai un peu plus de mal avec la fin. J'aurais préféré que la lecture symbolique soit plus limpide. Néanmoins, c'est un film suffisamment (trop ?) dense pour que chacun y trouve son compte et je prends plaisir à le revisionner régulièrement.
Pour moi, ce film est un véritable poème. Déjà, la musique est sublime, et elle accompagne chaque moment important de la manière la plus délicate qui soit. Ensuite, le couple Rachel Weisz/Hugh Jackman est vraiment touchant. Enfin, la façon dont les récits s'entremêle a beau être déroutante, elle est esthétiquement très soignée et fait sens d'un point de vue purement émotionnel. J'avoue que j'ai un peu plus de mal avec la fin. J'aurais préféré que la lecture symbolique soit plus limpide. Néanmoins, c'est un film suffisamment (trop ?) dense pour que chacun y trouve son compte et je prends plaisir à le revisionner régulièrement.
vendredi 21 septembre 2012
L'Homme qui rit adapté au cinéma
Dans le paysage cinématographique de la fin d'année se profile un film qui m'intrigue. C'est l'adaptation au cinéma de L'Homme qui rit, chef d’œuvre trop méconnu de Victor Hugo. Ce roman raconte l'histoire de Gwynplaine, défiguré enfant pour être ensuite montré dans les foires par une cicatrice qui lui allonge démesurément le sourire (comme le Joker dans le deuxième Batman de la saga de Nolan). Alors que le jeune garçon s'enfuit par une nuit noire et neigeuse, il tombe sur le corps sans vie d'une femme qui porte dans ses bras un bébé encore vivant. Gwynplaine prend l'enfant et s'en va. Il trouvera refuge dans la roulotte d'Ursus, un vieux saltimbanque. Et la suite, il vaut mieux la lire par vous-mêmes. Voici l'interview du réalisateur, Jean-Pierre Améris, qui a réalisé Les émotifs anonymes, un chouette film, il y a deux ans ! Mais pour le coup, on est dans un registre très différent alors je suis vraiment curieuse du résultat !
Ce qui me plaît dans le casting, c'est qu'on retrouve Marc-André Grondin dans le rôle de Gwynplaine. Après, Gérard Depardieu dans le rôle d'Ursus, j'attends de voir... Mais j'ai hâte ! J'espère juste que le sujet ne sera pas noyé dans des bons sentiments larmoyants. Il faudra attendre Noël pour avoir la réponse.
Ce qui me plaît dans le casting, c'est qu'on retrouve Marc-André Grondin dans le rôle de Gwynplaine. Après, Gérard Depardieu dans le rôle d'Ursus, j'attends de voir... Mais j'ai hâte ! J'espère juste que le sujet ne sera pas noyé dans des bons sentiments larmoyants. Il faudra attendre Noël pour avoir la réponse.
jeudi 20 septembre 2012
Comptine du soir
Si l'on s'en allait vers la lune
Peut-être qu'on y arriverait
La route est longue, la nuit est brune
Tu y croirais, ça marcherait
Si l'on creusait de petits trous
Pour enfouir nos rêves les plus fous
Peut-être qu'ils s'enracineraient
Si quand on voulait, on pouvait
Le chemin serpente, il paraît
Qu'on peut se perdre à tout jamais
Jeu d'ombres je doute et je tombe
Le soleil aveugle me plombe
Petit oiseau qui bat de l'aile
C'est sûr que tu planes moins haut
Mais le monde n'est-il pas plus beau
Quand tu voles de tes propres ailes ?
11.06.2012
Peut-être qu'on y arriverait
La route est longue, la nuit est brune
Tu y croirais, ça marcherait
Si l'on creusait de petits trous
Pour enfouir nos rêves les plus fous
Peut-être qu'ils s'enracineraient
Si quand on voulait, on pouvait
Le chemin serpente, il paraît
Qu'on peut se perdre à tout jamais
Jeu d'ombres je doute et je tombe
Le soleil aveugle me plombe
Petit oiseau qui bat de l'aile
C'est sûr que tu planes moins haut
Mais le monde n'est-il pas plus beau
Quand tu voles de tes propres ailes ?
11.06.2012
mercredi 19 septembre 2012
Laurent Gaudé - La mort du roi Tsongor
Le vieux roi Tsongor s'apprête à marier sa fille, Samilia, au prince des terres de sel, Kouame. Toute la cité de Massaba se réjouit de ces préparatifs. Mais à la veille de la célébration des noces, Sango Kerim vient avec une armée pour réclamer son dû : Samilia et lui se sont fait des serments dans leur jeunesse. Il est revenu pour qu'elle devienne sa femme. Devant cette situation inextricable, le vieux roi, las, décide de mettre fin à ses jours. Il espère que le deuil de sa disparition permettra d'éviter la guerre.
Laurent Gaudé est un conteur hors pair. La mélodie de ses mots nous emporte dès les premières lignes au cœur de Massaba. Je me suis délecté de chaque page de ce roman, pourtant assez bref, mais qui porte en lui la densité d'une fresque épique à couper le souffle. La sagesse et les erreurs du roi Tsongor, la tâche qu'il confie à son plus jeune fils, le choix de Samilia, la fidélité indéfectible de Katabolonga et la ténacité égale de Kouame et de Sango Kerim : tous les ingrédients sont réunis pour mettre en relief la grandeur de ce récit. Chacun des personnages est à la fois extraordinaire et désespérément humain : c'est leur sens du devoir qui conduira les deux rivaux à leur perte. La folie de la destruction est également évoquée avec beaucoup de justesse. L'auteur a le talent de nous tenir en haleine à chaque page, de nous faire trembler pour ses personnages, même si l'on sait qu'ils sont happés par un destin qui les dépasse. C'est le troisième roman que je lis de Laurent Gaudé (après Le soleil des Scorta et La porte des Enfers) et j'apprécie de plus en plus son style.
"Voilà. Je meurs. Tu vois. Cela mettra un peu de temps. Le sang s'écoulera hors de moi. Je resterai ici jusqu'à la fin. Je meurs. Tu n'as rien fait. Maintenant, je te demande un service." Tandis qu'il parlait, son sang continuait à se répandre. Une flaque, déjà, coulait à ses pieds. "Le jour va se lever. Regarde. Il ne tardera pas. La lumière paraîtra sur la cime des collines avant que je sois mort. Car il faudra du temps pour que mon sang coule hors de moi. Des gens accourront. On se précipitera sur moi. J'entendrai, dans mon agonie, les cris de mes proches et le vacarme lointain des armées impatientes. Je ne veux pas de cela. La nuit va finir. Et je ne veux pas aller au-delà. Mais le sang coule lentement. Tu es le seul, Katabolonga. Le seul à pouvoir faire cela. Il ne s'agit plus de me tuer. Je l'ai fait pour toi. Il s'agit de m'épargner ce nouveau jour qui se lève et dont je ne veux pas. Aide-moi."
Laurent Gaudé est un conteur hors pair. La mélodie de ses mots nous emporte dès les premières lignes au cœur de Massaba. Je me suis délecté de chaque page de ce roman, pourtant assez bref, mais qui porte en lui la densité d'une fresque épique à couper le souffle. La sagesse et les erreurs du roi Tsongor, la tâche qu'il confie à son plus jeune fils, le choix de Samilia, la fidélité indéfectible de Katabolonga et la ténacité égale de Kouame et de Sango Kerim : tous les ingrédients sont réunis pour mettre en relief la grandeur de ce récit. Chacun des personnages est à la fois extraordinaire et désespérément humain : c'est leur sens du devoir qui conduira les deux rivaux à leur perte. La folie de la destruction est également évoquée avec beaucoup de justesse. L'auteur a le talent de nous tenir en haleine à chaque page, de nous faire trembler pour ses personnages, même si l'on sait qu'ils sont happés par un destin qui les dépasse. C'est le troisième roman que je lis de Laurent Gaudé (après Le soleil des Scorta et La porte des Enfers) et j'apprécie de plus en plus son style.
"Voilà. Je meurs. Tu vois. Cela mettra un peu de temps. Le sang s'écoulera hors de moi. Je resterai ici jusqu'à la fin. Je meurs. Tu n'as rien fait. Maintenant, je te demande un service." Tandis qu'il parlait, son sang continuait à se répandre. Une flaque, déjà, coulait à ses pieds. "Le jour va se lever. Regarde. Il ne tardera pas. La lumière paraîtra sur la cime des collines avant que je sois mort. Car il faudra du temps pour que mon sang coule hors de moi. Des gens accourront. On se précipitera sur moi. J'entendrai, dans mon agonie, les cris de mes proches et le vacarme lointain des armées impatientes. Je ne veux pas de cela. La nuit va finir. Et je ne veux pas aller au-delà. Mais le sang coule lentement. Tu es le seul, Katabolonga. Le seul à pouvoir faire cela. Il ne s'agit plus de me tuer. Je l'ai fait pour toi. Il s'agit de m'épargner ce nouveau jour qui se lève et dont je ne veux pas. Aide-moi."
mardi 18 septembre 2012
How I met your mother (série)
Je suis une fan de la première heure de Friends qui est à mes yeux la meilleure série de tous les temps. Alors forcément, ça commençait à faire un moment qu'on me répétait inlassablement : "tu aimais Friends, tu vas adorer How I met". Certains poussant l'audace jusqu'à laisser entendre que c'était encore mieux que Friends. Je suis bon public alors il y a quelques mois, je me suis mise au phénomène How I met. Je dois avouer que je me suis laissé conquérir. J'ai mis un peu de temps à rentrer dedans mais les personnages sont vraiment attachants. Celui que j'ai mis le plus longtemps à apprécier reste Barney que je trouvais assez insupportable au début. Ca me laissait dubitative de n'entendre que des éloges sur lui, et puis finalement j'ai compris et c'est vrai qu'il me plaît bien finalement à moi aussi.
Ce que j'aime dans cette série, ce sont les allers et venues dans le temps qui nous réservent de nombreuses surprises. Il y a aussi les scènes qui vous font battre le cœur, tantôt réelles, tantôt inventées par les personnages parce qu'elles sont conformes à ce qu'ils aimeraient faire mais dont ils ne sont pas capables. Je pense par exemple à l'épisode où Robin raconte l'histoire de leur naissance à ses enfants dans la saison 7...
Et puis surtout, il y a cette incroyable alchimie entre nos cinq héros. Je suis fan de leurs trips complètement déjantés ainsi que des pincettes que Ted prend pour raconter sa jeunesse à ses enfants (il leur dit qu'ils mangent des sandwiches au lieu de leur avouer qu'il fume des joints, et à l'écran le résultat est fun). A côté du sympathique, drôle et touchant couple de Marshall et Lily, il y a le trio étrange formé par Ted, Robin et Barney. Je me demande vraiment qui sera l'élue de Ted mais elle a intérêt à assurer grave ! J'ai du mal à imaginer qu'il puisse trouver une fille aussi géniale que Robin et qu'il l'aime plus qu'elle. Cette histoire avec Victoria ne me dit rien qui vaille (vu qu'elle n'est pas la fille au parapluie jaune, je n'ose imaginer où tout cela va le mener). Et puis je l'aime bien Ted, malgré ses petits côtés maniaques, c'est un mec super qui ne mérite pas de galérer autant (enfin, il aura un gosse en 2015 ; on est en 2012, rien n'est perdu). Parce que j'ai d'abord été fan du couple Ted-Robin, et ça m'a vraiment fait de la peine quand ils se sont quittés. Après l'idée du couple Robin-Barney m'a plu, mais au début de la saison 5, je les trouvais vraiment décevants. Maintenant il y a un truc que je trouve peu vraisemblable, c'est cette manie toute récente qu'a Barney de tomber amoureux. Et franchement : Quinn ??? Je trouve que les choses vont beaucoup trop vite pour quelqu'un qui avait une peur panique de l'engagement. J'attends donc impatiemment son retour avec Robin. Il semble bien que c'est ce que les scénaristes ont prévu mais sait-on jamais avec ces rebondissements à gogo ? Tout ça pour dire que j'aime cette série, que je viens d'achever le visionnage de la saison 7 et que la 8 commence à être diffusée dans une semaine. Je n'aurai même pas été fichue de faire un article attractif sur cette série que j'ai spoilée à mort mais j'avais besoin de faire le point sur mes considérations (palpitantes) sur l'état des choses au moment où j'écris.
Il n'y a pas à dire, c'est une série addictive. Maintenant : meilleure que Friends ? Ne nous emballons pas. Elle est sans doute un poil plus déjantée, tout aussi drôle mais connaît parfois quelques faiblesses de scénario (alors que Friends n'a connu qu'une seule faiblesse : l'épisode où Chandler regarde un porno et où Monica pense qu'il fantasme sur les requins). Je ne pourrai juger que quand How I met sera elle aussi terminée. En attendant, je le confesse, je suis fan de ce genre de séries avec les personnages desquelles je me sens pleinement en empathie. Elles ont le chic pour aborder des thèmes universels, créer des ambiances uniques et offrir de belles réflexions sur l'amitié, l'amour et la vie en général. Tout ça pour dire que j'attends impatiemment le 24 septembre...
Ce que j'aime dans cette série, ce sont les allers et venues dans le temps qui nous réservent de nombreuses surprises. Il y a aussi les scènes qui vous font battre le cœur, tantôt réelles, tantôt inventées par les personnages parce qu'elles sont conformes à ce qu'ils aimeraient faire mais dont ils ne sont pas capables. Je pense par exemple à l'épisode où Robin raconte l'histoire de leur naissance à ses enfants dans la saison 7...
Et puis surtout, il y a cette incroyable alchimie entre nos cinq héros. Je suis fan de leurs trips complètement déjantés ainsi que des pincettes que Ted prend pour raconter sa jeunesse à ses enfants (il leur dit qu'ils mangent des sandwiches au lieu de leur avouer qu'il fume des joints, et à l'écran le résultat est fun). A côté du sympathique, drôle et touchant couple de Marshall et Lily, il y a le trio étrange formé par Ted, Robin et Barney. Je me demande vraiment qui sera l'élue de Ted mais elle a intérêt à assurer grave ! J'ai du mal à imaginer qu'il puisse trouver une fille aussi géniale que Robin et qu'il l'aime plus qu'elle. Cette histoire avec Victoria ne me dit rien qui vaille (vu qu'elle n'est pas la fille au parapluie jaune, je n'ose imaginer où tout cela va le mener). Et puis je l'aime bien Ted, malgré ses petits côtés maniaques, c'est un mec super qui ne mérite pas de galérer autant (enfin, il aura un gosse en 2015 ; on est en 2012, rien n'est perdu). Parce que j'ai d'abord été fan du couple Ted-Robin, et ça m'a vraiment fait de la peine quand ils se sont quittés. Après l'idée du couple Robin-Barney m'a plu, mais au début de la saison 5, je les trouvais vraiment décevants. Maintenant il y a un truc que je trouve peu vraisemblable, c'est cette manie toute récente qu'a Barney de tomber amoureux. Et franchement : Quinn ??? Je trouve que les choses vont beaucoup trop vite pour quelqu'un qui avait une peur panique de l'engagement. J'attends donc impatiemment son retour avec Robin. Il semble bien que c'est ce que les scénaristes ont prévu mais sait-on jamais avec ces rebondissements à gogo ? Tout ça pour dire que j'aime cette série, que je viens d'achever le visionnage de la saison 7 et que la 8 commence à être diffusée dans une semaine. Je n'aurai même pas été fichue de faire un article attractif sur cette série que j'ai spoilée à mort mais j'avais besoin de faire le point sur mes considérations (palpitantes) sur l'état des choses au moment où j'écris.
Il n'y a pas à dire, c'est une série addictive. Maintenant : meilleure que Friends ? Ne nous emballons pas. Elle est sans doute un poil plus déjantée, tout aussi drôle mais connaît parfois quelques faiblesses de scénario (alors que Friends n'a connu qu'une seule faiblesse : l'épisode où Chandler regarde un porno et où Monica pense qu'il fantasme sur les requins). Je ne pourrai juger que quand How I met sera elle aussi terminée. En attendant, je le confesse, je suis fan de ce genre de séries avec les personnages desquelles je me sens pleinement en empathie. Elles ont le chic pour aborder des thèmes universels, créer des ambiances uniques et offrir de belles réflexions sur l'amitié, l'amour et la vie en général. Tout ça pour dire que j'attends impatiemment le 24 septembre...
lundi 17 septembre 2012
Samuel Beckett - Oh les beaux jours
Au début de la pièce, Winnie est enfouie dans le sol jusqu'à la taille. Elle est réveillée par une sonnerie stridente, elle commence alors sa journée en soliloquant. Elle se pomponne et fait l'inventaire de ce que contient son sac. Elle s'adresse par moments à Willie son mari, dissimulé par le monticule et qui s'exprime le plus souvent par monosyllabes.
Oh les beaux jours est à mes yeux l'un des plus beaux textes de théâtre qui existe. Beckett a le génie de savoir dépeindre la condition humaine dans ce qu'elle a de plus tragique et de plus comique. Winnie est à la fois touchante et pathétique : elle a un côté irritant de petite vieille qui radote, et en même temps elle dégage une énergie incroyable. Elle se tient en équilibre au bord de l'abîme du désespoir, comme un vaillant petit funambule. Un rien suffirait à la faire vaciller, mais elle sait se contenter de peu pour passer le temps. La pièce est aussi le théâtre de réflexions sur l'amour, la solitude et la mort. Que devient l'amour à l'épreuve du temps ? Qu'est-ce qui reste à la fin ? Le titre fait référence à un sublime poème de Verlaine : "Colloque sentimental", avec lequel il partage les thèmes de la mélancolie et du néant. Les personnages de Beckett sont les spectres de ce qu'ils ont été, mais des spectres qui se meuvent encore avec un reste d'humanité qui les rend touchants. En même temps, ils sont de véritables caricatures : Winnie est insupportablement étouffante et Willie est à peine plus civilisé qu'un ours. Tandis que le temps passe et nous dégrade peu à peu, qu'est-ce qui reste encore pour nous faire tenir ? Les souvenirs (mais eux-mêmes s'estompent un peu plus chaque jour). Et finalement si l'on parle, ce n'est que dans l'espoir que quelqu'un nous entende. D'une beauté âpre et terrible, Oh les beaux jours est une pièce aux facettes multiples, qui nous ramène à la juste mesure de notre existence dont la densité s'étiole sans qu'il faille pour autant perdre le sourire. C'est d'ailleurs l'un des leitmotivs de Winnie : "Oh le beau jour encore que ça aura été, encore un !"
Winnie - Ah oui, si seulement je pouvais supporter d’être seule, je veux dire d’y aller de mon babil sans âme qui vive qui entende. (Un temps.) Non pas que je me fasse des illusions, tu n’entends pas grand’chose Willie, à Dieu ne plaise. (Un temps.) Des jours peut-être où tu n’entends rien. (Un temps.) Mais d’autres où tu réponds. (Un temps.) De sorte que je peux me dire à chaque moment, même lorsque tu ne réponds pas et n’entends peut-être rien, Winnie, il est des moments où tu te fais entendre, tu ne parles pas toute seule tout à fait, c’est-à-dire dans le désert, chose que je n’ai jamais pu supporter - à la longue. (Un temps.) C’est ce qui me permet de continuer, de continuer à parler s’entend. Tandis que si tu venais à mourir - (sourire) - le vieux style ! - (fin du sourire) - ou à t'en aller en m'abandonnant, qu'est-ce que je ferais alors, qu'est-ce que je pourrais bien faire, toute la journée, je veux dire depuis le moment où ça sonne, pour le réveil, jusqu'au moment où ça sonne, pour le sommeil ? (Un temps.) Simplement regarder droit devant moi, les lèvres rentrées ?
Oh les beaux jours est à mes yeux l'un des plus beaux textes de théâtre qui existe. Beckett a le génie de savoir dépeindre la condition humaine dans ce qu'elle a de plus tragique et de plus comique. Winnie est à la fois touchante et pathétique : elle a un côté irritant de petite vieille qui radote, et en même temps elle dégage une énergie incroyable. Elle se tient en équilibre au bord de l'abîme du désespoir, comme un vaillant petit funambule. Un rien suffirait à la faire vaciller, mais elle sait se contenter de peu pour passer le temps. La pièce est aussi le théâtre de réflexions sur l'amour, la solitude et la mort. Que devient l'amour à l'épreuve du temps ? Qu'est-ce qui reste à la fin ? Le titre fait référence à un sublime poème de Verlaine : "Colloque sentimental", avec lequel il partage les thèmes de la mélancolie et du néant. Les personnages de Beckett sont les spectres de ce qu'ils ont été, mais des spectres qui se meuvent encore avec un reste d'humanité qui les rend touchants. En même temps, ils sont de véritables caricatures : Winnie est insupportablement étouffante et Willie est à peine plus civilisé qu'un ours. Tandis que le temps passe et nous dégrade peu à peu, qu'est-ce qui reste encore pour nous faire tenir ? Les souvenirs (mais eux-mêmes s'estompent un peu plus chaque jour). Et finalement si l'on parle, ce n'est que dans l'espoir que quelqu'un nous entende. D'une beauté âpre et terrible, Oh les beaux jours est une pièce aux facettes multiples, qui nous ramène à la juste mesure de notre existence dont la densité s'étiole sans qu'il faille pour autant perdre le sourire. C'est d'ailleurs l'un des leitmotivs de Winnie : "Oh le beau jour encore que ça aura été, encore un !"
Winnie - Ah oui, si seulement je pouvais supporter d’être seule, je veux dire d’y aller de mon babil sans âme qui vive qui entende. (Un temps.) Non pas que je me fasse des illusions, tu n’entends pas grand’chose Willie, à Dieu ne plaise. (Un temps.) Des jours peut-être où tu n’entends rien. (Un temps.) Mais d’autres où tu réponds. (Un temps.) De sorte que je peux me dire à chaque moment, même lorsque tu ne réponds pas et n’entends peut-être rien, Winnie, il est des moments où tu te fais entendre, tu ne parles pas toute seule tout à fait, c’est-à-dire dans le désert, chose que je n’ai jamais pu supporter - à la longue. (Un temps.) C’est ce qui me permet de continuer, de continuer à parler s’entend. Tandis que si tu venais à mourir - (sourire) - le vieux style ! - (fin du sourire) - ou à t'en aller en m'abandonnant, qu'est-ce que je ferais alors, qu'est-ce que je pourrais bien faire, toute la journée, je veux dire depuis le moment où ça sonne, pour le réveil, jusqu'au moment où ça sonne, pour le sommeil ? (Un temps.) Simplement regarder droit devant moi, les lèvres rentrées ?
dimanche 16 septembre 2012
Kressmann Taylor - Inconnu à cette adresse
Martin et Max sont des amis de longue date. Ils ont quitté l'Allemagne lors de la Première guerre mondiale et se sont associés comme marchands d'art aux Etats-Unis. En 1932, Martin rentre en Allemagne tandis que Max (qui est juif) continue de gérer leurs affaires en Amérique. Ils entament alors une correspondance cordiale qui a pour toile de fond les événements historiques de l'époque. L'arrivée de Hitler au pouvoir - que Max envisage avec inquiétude - est au contraire accueillie de manière enthousiaste par Martin. La nature de la relation entre les deux hommes se dégrade tandis que chacun choisit son camp.
Ce livre est saisissant parce qu'il donne à ressentir à travers une œuvre littéraire, et donc fictionnelle, l'évolution des idéologies en Europe (notamment en Allemagne) dans les années 1930. Sa brièveté renforce sa violence. Par moments, j'ai trouvé justement que ça allait trop vite : le retournement de Martin est brutal et radical. Du coup, on ressent une véritable empathie avec Max qui empêche d'être parfaitement objectif (je dis ça mais bon, le thème n'est pas de ceux qui rendent propice l'objectivité). J'ai été vraiment horrifiée par l'attitude de Martin. Son adhésion quasi immédiate à l'idéologie nazie est inquiétante et l'épisode concernant la sœur de Max fait froid dans le dos. C'est un livre court et efficace qui a le mérite de présenter les choses de manière abordable et de faire réfléchir.
Martin Schulse
Ce livre est saisissant parce qu'il donne à ressentir à travers une œuvre littéraire, et donc fictionnelle, l'évolution des idéologies en Europe (notamment en Allemagne) dans les années 1930. Sa brièveté renforce sa violence. Par moments, j'ai trouvé justement que ça allait trop vite : le retournement de Martin est brutal et radical. Du coup, on ressent une véritable empathie avec Max qui empêche d'être parfaitement objectif (je dis ça mais bon, le thème n'est pas de ceux qui rendent propice l'objectivité). J'ai été vraiment horrifiée par l'attitude de Martin. Son adhésion quasi immédiate à l'idéologie nazie est inquiétante et l'épisode concernant la sœur de Max fait froid dans le dos. C'est un livre court et efficace qui a le mérite de présenter les choses de manière abordable et de faire réfléchir.
SCHLOSS RANTZENBURG
MUNICH, Allemagne
Le 25 mars 1933
Mr Max Eisenstein
Galerie Schulse-Eisenstein
San Francisco
Californie,
USA
Cher vieux
Max,
Tu as
certainement entendu parler de ce qui se passe ici, et je suppose que cela
t’intéresse de savoir comment nous vivons les évènements de l’intérieur.
Franchement, Max, je crois qu’à nombre d’égards Hitler est bon pour
l’Allemagne, mais je n’en suis pas sûr. Maintenant, c’est lui qui, de fait, est
le chef du gouvernement. Je doute que Hindenburg lui-même puisse le déloger.
L’homme électrise littéralement les foules ; il possède une force que seul
peut avoir un grand orateur doublé d’un fanatique. Mais je m'interroge : est-il complètement sain d'esprit ? Ses escouades en chemises brunes sont issues de la populace. Elles pillent, et elles ont commencé à persécuter
les Juifs. Mais il ne s'agit peut-être là que d'incidents mineurs : la petite écume trouble qui se forme en surface quand bout le chaudron d'un grand mouvement. Car je te le dis, mon ami, c'est à l'émergence d'une force vive que nous assistons dans ce pays. Une force vive. [...]
samedi 15 septembre 2012
Bretagne : sea, rain and sun !
Mais le temps a eu la mauvaise idée de se dégrader à mesure que nous avancions vers le Nord. Cela ne nous a pas empêchées de visiter le site de Huelgoat où l'on peut découvrir la grotte du Diable et la Roche tremblante. La pluie a eu la bonté de nous épargner et j'ai découvert avec émerveillement ce site étonnant avec ses drôles de pierres rondes.
Arrivées à Morlaix, nous étions fin prêtes pour notre semaine de baroudage car nous avions un itinéraire chargé de coins à explorer. Notre première escale eut lieu sur l'île de Batz, où nous accostâmes sous un ciel maussade, après nous être pris une belle averse. Heureusement, la Bretagne a une météo changeante, ce qui nous a permis au cours de notre vadrouille de profiter d'un ciel d'un bleu presque irréel.
De retour au bercail, suite à une bonne nuit de sommeil, nous partîmes à la découverte de Perros Guirrec. Ce n'était pas faute d'en avoir entendu parler mais j'ai pourtant été totalement conquise par la beauté de ses paysages. On a eu un sacré coup de bol car on a évité une saucée monumentale et en toute fin d'après-midi, le temps s'est dégagé.
La Côte de Granit rose porte bien son nom. En se promenant sur le sentier côtier, on découvre sur un tapis de bruyère en fleurs des rochers aux formes étranges, parfois animales, tantôt amusantes et tantôt inquiétantes.
Le lendemain, c'est l'île de Bréhat qui se trouvait sur notre chemin. Avant d'embarquer, on a croisé Charlotte Gainsbourg (eh oui, la Bretagne est un incroyable vivier de stars en vacances !). Et le soleil a continué de jouer à cache-cache avec les nuages, même si on commençait un peu à l'apprivoiser. On a fait un peu de grimpette.
Ce qui est plutôt propice à la découverte de panoramas à couper le souffle. Puis on est parties se perdre dans la partie Nord de l'île.
Le soir, nous faisions escale à Saint Brieuc mais on ne s'y est pas attardées parce qu'on ne nous l'avait pas particulièrement conseillé. On est donc reparties le lendemain, longeant toujours la côte, ce qui nous a permis de découvrir le joli petit porc de Binic et de nous poser tranquillement sur sa petite plage.
On a aussi vu les plages plus sauvages de Pordic et au loin le cap Fréhel, notre destination de fin de journée. Après s'être promenées à Erquy où nous avons dégusté (comme quasiment lors de tous nos repas) de délicieuses galettes et crêpes, nous sommes allées nous dorer la pilule sur la plage. Le soir, on a marché dans la bruyère jusqu'à Fort Lalatte.
Et là, c'était juste sublime : le soleil allait bientôt se coucher, on se trouvait à la pointe face à la mer. C'est une réserve naturelle et on ne peut pas aller partout mais on aperçoit au loin des familles entières de lapins qui s'éclatent dans la bruyère. Et comme on est en haut de la falaise, les goélands passent juste à notre hauteur. On a alors une vue plongeante et vertigineuse sur ce gros rocher surgi de la mer. Il est recouvert de centaines d'oiseaux dont les cris sont comme un appel du large.
Le lendemain, ce fut Saint Malo qui nous accueillit, cette fois sous un franc soleil. On a fait le tour de la ville fortifiée (avant de partir pour Dinard où l'on a fait bronzette et failli ne pas retrouver la voiture). La mer est froide mais d'un bleu digne des îles des Caraïbes ; en plus comme nous arrivions à la fin du tour des remparts, un musicien jouait un air mélancolique à la guitare qui se mariait bien à l'ambiance "fin de vacances" qui se profilait à l'horizon.
Nous avons terminé en beauté avec un adorable petit village : Dinan. Au programme : déambulation dans les rues et coup de cœur pour les jolies maisons à colombages, après-midi shopping, découverte du viaduc et dîner à la crêperie avant de reprendre la route.
Je suis tombée encore un peu plus amoureuse de la Bretagne cet été et j'ai maintenant très envie de découvrir l'intérieur des terres (mais bon, il faut bien en garder un peu pour les années à venir). Ce qui est sûr, c'est que c'est une région qui ne laisse pas indifférent. J'ai aimé m'enivrer de vent, m'en prendre plein les mirettes et crapahuter à droite à gauche à la découverte de vraies pépites. Forcément, le contraste avec les paysages de Picardie est parfois rude. Mais la beauté est là où il y a des yeux capables de l'apprécier. Je ne désespère donc pas d'écrire un jour un article sur les charmes de la Picardie...
vendredi 14 septembre 2012
Hervé Guibert - A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie
Dans ce roman autobiographique, l'auteur revient sur la mort de son ami Michel Foucaud - Muzil dans le livre - qui était atteint du sida. Quelques années après, il se découvre atteint de la même maladie. C'est un peu comme s'il avait vécu sa mort par anticipation à travers celle de Muzil. A la fin des années quatre-vingts, le Sida était encore une maladie très mal connue et qui touchait de plein fouet la communauté gay. Dans ce roman, Hervé Guibert tient en quelque sorte le journal de sa maladie, évoquant ce drôle de rapport à la mort instauré par le Sida : les moments de souffrance, les maigres espoirs de guérison, et la nécessité de l'écriture.
A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie est un livre qui a avant tout valeur de témoignage. C'est surtout en cela que je l'ai trouvé intéressant. Il faut imaginer une époque où le Sida contaminait beaucoup de monde parce qu'on ne savait pas encore comment s'en protéger. Les gens voyaient leurs proches tomber malades, souffrir et s'affaiblir jusqu'à la mort. On tâtonnait à la recherche de vaccins, on soignait les séropositifs en leur faisant plus de mal que de bien. Lorsque ce livre est paru, ça a été comme un pavé dans la mare. Déjà parce que Hervé Guibert y révèle de manière explicite que Michel Foucaud est mort du Sida, ensuite parce qu'il y évoque sans tabous le sexe, la mort, et surtout la dégradation de son corps entraînée par la maladie. J'ai aimé le ton incisif de Guibert, un peu moins ses phrases à rallonge. Le livre n'est pas palpitant mais offre un regard saisissant sur la maladie et la mort. Pour plus d'infos, vous pouvez aller voir l'interview de Hervé Guibert par Bernard Pivot dans Apostrophes.
« Le lendemain, j'étais seul dans la chambre avec Muzil, je pris longuement sa main comme il m'était parfois arrivé de le faire dans son appartement, assis côte à côte sur son canapé blanc, tandis que le jour déclinait lentement entre les portes-fenêtres grandes ouvertes de l'été. Puis j'appliquai mes lèvres sur sa main pour la baiser. En rentrant chez moi, je savonnai ces lèvres avec honte et soulagement, comme si elles avaient été contaminées, comme je les avais savonnées dans ma chambre d'hôtel de la rue Edgar-Allan-Poe après que la vieille pute m'eut fourré sa langue au fond de la gorge. Et j'étais tellement honteux que je pris mon journal pour l'écrire à la suite du compte rendu de mes précédentes visites. Mais je me retrouvais encore plus honteux une fois que ce sale geste fut écrit. De quel droit écrivais-je tout cela ? De quel droit faisais-je de telles entailles à l'amitié ? Et vis-à-vis de quelqu'un que j'adorais de tout mon cœur. Je ressentis alors, c'était inouï, une sorte de vision, ou de vertige, qui m'en donnait les pleins pouvoirs, qui me déléguait à ces transcriptions ignobles et qui les légitimait en m'annonçant, c'était donc ce qu'on appelle une prémonition, que j'y étais pleinement habilité car ce n'était pas tant l'agonie de mon ami que j'étais en train de décrire que l'agonie qui m'attendait, et qui serait identique, c'était désormais une certitude qu'en plus de l'amitié, nous étions liés par un sort thanatologique commun. »
A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie est un livre qui a avant tout valeur de témoignage. C'est surtout en cela que je l'ai trouvé intéressant. Il faut imaginer une époque où le Sida contaminait beaucoup de monde parce qu'on ne savait pas encore comment s'en protéger. Les gens voyaient leurs proches tomber malades, souffrir et s'affaiblir jusqu'à la mort. On tâtonnait à la recherche de vaccins, on soignait les séropositifs en leur faisant plus de mal que de bien. Lorsque ce livre est paru, ça a été comme un pavé dans la mare. Déjà parce que Hervé Guibert y révèle de manière explicite que Michel Foucaud est mort du Sida, ensuite parce qu'il y évoque sans tabous le sexe, la mort, et surtout la dégradation de son corps entraînée par la maladie. J'ai aimé le ton incisif de Guibert, un peu moins ses phrases à rallonge. Le livre n'est pas palpitant mais offre un regard saisissant sur la maladie et la mort. Pour plus d'infos, vous pouvez aller voir l'interview de Hervé Guibert par Bernard Pivot dans Apostrophes.
« Le lendemain, j'étais seul dans la chambre avec Muzil, je pris longuement sa main comme il m'était parfois arrivé de le faire dans son appartement, assis côte à côte sur son canapé blanc, tandis que le jour déclinait lentement entre les portes-fenêtres grandes ouvertes de l'été. Puis j'appliquai mes lèvres sur sa main pour la baiser. En rentrant chez moi, je savonnai ces lèvres avec honte et soulagement, comme si elles avaient été contaminées, comme je les avais savonnées dans ma chambre d'hôtel de la rue Edgar-Allan-Poe après que la vieille pute m'eut fourré sa langue au fond de la gorge. Et j'étais tellement honteux que je pris mon journal pour l'écrire à la suite du compte rendu de mes précédentes visites. Mais je me retrouvais encore plus honteux une fois que ce sale geste fut écrit. De quel droit écrivais-je tout cela ? De quel droit faisais-je de telles entailles à l'amitié ? Et vis-à-vis de quelqu'un que j'adorais de tout mon cœur. Je ressentis alors, c'était inouï, une sorte de vision, ou de vertige, qui m'en donnait les pleins pouvoirs, qui me déléguait à ces transcriptions ignobles et qui les légitimait en m'annonçant, c'était donc ce qu'on appelle une prémonition, que j'y étais pleinement habilité car ce n'était pas tant l'agonie de mon ami que j'étais en train de décrire que l'agonie qui m'attendait, et qui serait identique, c'était désormais une certitude qu'en plus de l'amitié, nous étions liés par un sort thanatologique commun. »
mercredi 12 septembre 2012
Fred Vargas - L'homme à l'envers
Dans le Mercantour, un loup rôde et sème la terreur dans les bergeries. Il s'attaque essentiellement aux brebis et sa sauvagerie semble ne jamais devoir prendre fin. Mais quand la Bête du Mercantour s'attaque à des humains, la psychose est de plus en plus forte. Parce qu'ils tenaient à Suzanne, Camille, le Veilleux et Soliman s'engagent dans une course-poursuite un peu folle pour mettre fin aux crimes de ce soi-disant loup-garou.
J'ai bien failli louper ma rencontre avec Fred Vargas. Je dois avouer que j'ai trouvé le début du roman un peu longuet, pas trop palpitant. Le récit prenait son temps alors que mon imaginaire s'enflammait à l'idée de ces histoires de loups-garous. Et puis, les personnages m'ont d'abord semblé assez horripilants. Cette Camille un peu trop parfaite qui prenait la pause comme une héroïne, un peu trop fascinante en apparence pour avoir l'air humaine. Lawrence et sa manie de bouffer ses débuts de phrases, Soliman indissociable de ses légendes et de son dictionnaire. Et quand même Adamsberg qui semblait tout juste tombé de la lune, étrange, décalé mais drôlement sympathique. Je n'ai pas aimé ce côté "regardez comme je campe bien mes personnages, comme je leur donne un petit côté bien sous tous rapports qui, j'en suis sûre, vous les fera aimer". Je n'aime pas sentir qu'on me balade, j'ai envie de lire un livre en ayant l'impression que les personnages pourraient être réels. Là, ils en faisaient trop et ça ne me plaisait qu'à moitié. Et puis il y a eu cette rencontre surréaliste au bord de l'eau -plus exactement des retrouvailles- entre Camille et Jean-Baptiste. Et j'avoue qu'à ce moment-là, j'ai senti qu'il se passait un truc. Et j'ai fini par mordre à l'hameçon. Même la drôle de traque organisée par nos trois baroudeurs a fini par m'apparaître sympathique, et le finale joliment amené m'a laissé une impression agréable. Ce fut donc une expérience de lecture riche en rebondissements et j'ai aimé ça. Adamsberg étant un héros récurrent de l'auteure dont on m'a dit beaucoup de bien, je crois que je vais êtreobligée ravie de continuer à lire Fred Vargas...
- A quoi je le reconnaîtrais, le pauvre vieux?
- A ça. Le loup-garou n'a pas de poils. Et tu sais pourquoi? Parce qu'il les porte en dedans.
- C'est une blague ?
- Relis les vieux bouquins de ton vieux pays cinglé. Tu verras. C'est écrit. Et des tas de gens savent ça dans les campagnes. Et la grosse aussi.
- Suzanne.
- Suzanne.
- Ils savent tous pour le coup des poils?
- C'est pas un coup. C'est le signe du loup-garou. Il n'y en a pas d'autre. Il a les poils dedans parce que c'est un homme à l'envers. La nuit, il s'inverse, et sa peau velue apparaît.
- De sorte que Massart ne serait jamais qu'un manteau de fourrure retourné ?
- Si tu veux.
J'ai bien failli louper ma rencontre avec Fred Vargas. Je dois avouer que j'ai trouvé le début du roman un peu longuet, pas trop palpitant. Le récit prenait son temps alors que mon imaginaire s'enflammait à l'idée de ces histoires de loups-garous. Et puis, les personnages m'ont d'abord semblé assez horripilants. Cette Camille un peu trop parfaite qui prenait la pause comme une héroïne, un peu trop fascinante en apparence pour avoir l'air humaine. Lawrence et sa manie de bouffer ses débuts de phrases, Soliman indissociable de ses légendes et de son dictionnaire. Et quand même Adamsberg qui semblait tout juste tombé de la lune, étrange, décalé mais drôlement sympathique. Je n'ai pas aimé ce côté "regardez comme je campe bien mes personnages, comme je leur donne un petit côté bien sous tous rapports qui, j'en suis sûre, vous les fera aimer". Je n'aime pas sentir qu'on me balade, j'ai envie de lire un livre en ayant l'impression que les personnages pourraient être réels. Là, ils en faisaient trop et ça ne me plaisait qu'à moitié. Et puis il y a eu cette rencontre surréaliste au bord de l'eau -plus exactement des retrouvailles- entre Camille et Jean-Baptiste. Et j'avoue qu'à ce moment-là, j'ai senti qu'il se passait un truc. Et j'ai fini par mordre à l'hameçon. Même la drôle de traque organisée par nos trois baroudeurs a fini par m'apparaître sympathique, et le finale joliment amené m'a laissé une impression agréable. Ce fut donc une expérience de lecture riche en rebondissements et j'ai aimé ça. Adamsberg étant un héros récurrent de l'auteure dont on m'a dit beaucoup de bien, je crois que je vais être
- A quoi je le reconnaîtrais, le pauvre vieux?
- A ça. Le loup-garou n'a pas de poils. Et tu sais pourquoi? Parce qu'il les porte en dedans.
- C'est une blague ?
- Relis les vieux bouquins de ton vieux pays cinglé. Tu verras. C'est écrit. Et des tas de gens savent ça dans les campagnes. Et la grosse aussi.
- Suzanne.
- Suzanne.
- Ils savent tous pour le coup des poils?
- C'est pas un coup. C'est le signe du loup-garou. Il n'y en a pas d'autre. Il a les poils dedans parce que c'est un homme à l'envers. La nuit, il s'inverse, et sa peau velue apparaît.
- De sorte que Massart ne serait jamais qu'un manteau de fourrure retourné ?
- Si tu veux.
mardi 4 septembre 2012
Marc Dugain - Avenue des Géants
Al Kenner n'a pas eu une enfance idéale (un père faible et une mère alcoolique qui l'a envoyé vivre chez ses grands-parents). Pour son anniversaire, son grand-père lui offre un fusil pour tuer les lapins qui pourraient saccager le potager. Un jour, alors qu'il se sent oppressé par le caractère tyrannique de sa grand-mère, il la tue d'une balle dans le dos. Puis il abat de la même façon son grand-père, par pitié pour ne pas qu'il apprenne la mort de sa femme. Il est alors interné et se familiarise avec la psychiatrie. Al n'est pas un patient comme les autres, doué d'une intelligence redoutable, il fait de grands progrès qui lui permettent de retrouver une liberté conditionnelle.
C'est avec enthousiasme que j'ai entamé ce livre, dont j'avais entendu dire beaucoup de bien. J'ai toutefois été assez surprise par sa forme : le choix de la première personne du singulier chez un personnage aussi froid et dénué de sentiments m'a un peu gênée pour la simple et bonne raison que pendant la plus grande partie du livre, j'ai eu un mal fou à ressentir de l'empathie pour lui. Et puis, je m'attendais à lire l'histoire terriblement peu ragoûtante d'un serial killer (or, il faut bien avouer qu'il semble étonnamment calme la plupart du temps). Ma lecture s'en est ressentie, ralentissant à mesure que mon intérêt pour ce pauvre Al décroissait. Mais je dois avouer que la fin m'a surprise. C'est finalement de manière assez insidieuse que le mal façonne progressivement Al Kenner. Il semble être la première victime de ses pulsions, ce qui le rend touchant, surtout dans les dernières pages. Sa façon d'être m'a fait penser à Dexter : ses réflexions, son sentiment de ne pas exister, et finalement le fait d'assouvir ses pulsions pour enfin ressentir quelque chose. J'ai été sensible à cet abîme existentiel qui lui pèse. Donc même si j'ai été assez mitigée au fil de ma lecture, la fin m'a laissée sur une bonne impression. Il faudra que je relise Marc Dugain parce que sans avoir accroché à son personnage, j'ai quand même bien aimé son style.
« Le sentiment que la vie vous a quitté de votre vivant est l’expression de la solitude absolue. Personne ne peut ni le comprendre ni le partager.
Commettre une destruction comparable à l’ampleur de cette béance est la seule façon de supporter cette mise à l’index de la vie, de vous rattacher à elle par le plus ténu des fils. Et une fois que l'irréparable est commis, vous n'attendez plus qu'une chose, j'imagine, que la société à travers ses représentants vienne couper ce fil. Oswald devait être dans cet état quand il a tué Kennedy. Il n'avait pas forcément de raison de lui en vouloir à titre personnel. Mais tuer Kennedy, l'icône des démocrates et du monde entier, voilà une façon de combler un sacré trou noir. Robert Kennedy devait savoir au fond de lui-même qu'à un moment ou à un autre, il croiserait sur sa route un type désemparé par son vide intérieur. »
C'est avec enthousiasme que j'ai entamé ce livre, dont j'avais entendu dire beaucoup de bien. J'ai toutefois été assez surprise par sa forme : le choix de la première personne du singulier chez un personnage aussi froid et dénué de sentiments m'a un peu gênée pour la simple et bonne raison que pendant la plus grande partie du livre, j'ai eu un mal fou à ressentir de l'empathie pour lui. Et puis, je m'attendais à lire l'histoire terriblement peu ragoûtante d'un serial killer (or, il faut bien avouer qu'il semble étonnamment calme la plupart du temps). Ma lecture s'en est ressentie, ralentissant à mesure que mon intérêt pour ce pauvre Al décroissait. Mais je dois avouer que la fin m'a surprise. C'est finalement de manière assez insidieuse que le mal façonne progressivement Al Kenner. Il semble être la première victime de ses pulsions, ce qui le rend touchant, surtout dans les dernières pages. Sa façon d'être m'a fait penser à Dexter : ses réflexions, son sentiment de ne pas exister, et finalement le fait d'assouvir ses pulsions pour enfin ressentir quelque chose. J'ai été sensible à cet abîme existentiel qui lui pèse. Donc même si j'ai été assez mitigée au fil de ma lecture, la fin m'a laissée sur une bonne impression. Il faudra que je relise Marc Dugain parce que sans avoir accroché à son personnage, j'ai quand même bien aimé son style.
« Le sentiment que la vie vous a quitté de votre vivant est l’expression de la solitude absolue. Personne ne peut ni le comprendre ni le partager.
Commettre une destruction comparable à l’ampleur de cette béance est la seule façon de supporter cette mise à l’index de la vie, de vous rattacher à elle par le plus ténu des fils. Et une fois que l'irréparable est commis, vous n'attendez plus qu'une chose, j'imagine, que la société à travers ses représentants vienne couper ce fil. Oswald devait être dans cet état quand il a tué Kennedy. Il n'avait pas forcément de raison de lui en vouloir à titre personnel. Mais tuer Kennedy, l'icône des démocrates et du monde entier, voilà une façon de combler un sacré trou noir. Robert Kennedy devait savoir au fond de lui-même qu'à un moment ou à un autre, il croiserait sur sa route un type désemparé par son vide intérieur. »
lundi 3 septembre 2012
Quand le ciel bas et lourd...
Je n'aime pas les fins. J'ai toujours le sentiment d'avoir perdu quelque chose de précieux, irrémédiablement. Je n'aime pas non plus les débuts. Les errances encore et toujours, qu'il s'agisse du ciel baudelairien qui sévit au fin fond de la Thiérache ou de cette impression que je suis trop grande pour cette vie toute petite, à moins que ce soit le contraire... Je m'attèle à remplir le vide, au jour le jour, et je crois que j'y arrive plutôt bien mais n'est-ce pas une façon de faire illusion ? Et lorsque l'insouciance s'est envolée, par tragédie ou par nécessité, il faut reprendre la route en faisant toujours bonne figure. Sauf que la route est longue, la chaussée déformée, et mon cœur en a assez d'être brinquebalé de gauche à droite. Le Spleen en profite alors pour pointer le bout de son nez. Et seule face à soi-même, c'est toujours plus difficile de trouver un pis-aller. L'esprit vogue alors vers la mélancolie, et j'ai beau ne pas avoir aimé Sur la route de Jack Kerouac, il en subsiste une phrase qui ne veut pas sortir de ma tête.
« Quel est ce sentiment qui vous étreint quand vous quittez des gens en bagnole et que vous les voyez rapetisser dans la plaine jusqu’à, finalement, disparaître ? C’est le monde trop vaste qui nous pèse et c’est l’adieu. Pourtant nous allons tête baissée au-devant d’une nouvelle et folle aventure sous le ciel. »
L'aventure ne s'annonce pas des plus palpitantes, on dirait. Mais puisqu'il faut m'en aller à sa rencontre, je croise très fort les doigts pour qu'elle en vaille la peine.
« Quel est ce sentiment qui vous étreint quand vous quittez des gens en bagnole et que vous les voyez rapetisser dans la plaine jusqu’à, finalement, disparaître ? C’est le monde trop vaste qui nous pèse et c’est l’adieu. Pourtant nous allons tête baissée au-devant d’une nouvelle et folle aventure sous le ciel. »
L'aventure ne s'annonce pas des plus palpitantes, on dirait. Mais puisqu'il faut m'en aller à sa rencontre, je croise très fort les doigts pour qu'elle en vaille la peine.
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