mardi 4 septembre 2012

Marc Dugain - Avenue des Géants

Al Kenner n'a pas eu une enfance idéale (un père faible et une mère alcoolique qui l'a envoyé vivre chez ses grands-parents). Pour son anniversaire, son grand-père lui offre un fusil pour tuer les lapins qui pourraient saccager le potager. Un jour, alors qu'il se sent oppressé par le caractère tyrannique de sa grand-mère,  il la tue d'une balle dans le dos. Puis il abat de la même façon son grand-père, par pitié pour ne pas qu'il apprenne la mort de sa femme. Il est alors interné et se familiarise avec la psychiatrie. Al n'est pas un patient comme les autres, doué d'une intelligence redoutable, il fait de grands progrès qui lui permettent de retrouver une liberté conditionnelle.


C'est avec enthousiasme que j'ai entamé ce livre, dont j'avais entendu dire beaucoup de bien. J'ai toutefois été assez surprise par sa forme : le choix de la première personne du singulier chez un personnage aussi froid et dénué de sentiments m'a un peu gênée pour la simple et bonne raison que pendant la plus grande partie du livre, j'ai eu un mal fou à ressentir de l'empathie pour lui. Et puis, je m'attendais à lire l'histoire terriblement peu ragoûtante d'un serial killer (or, il faut bien avouer qu'il semble étonnamment calme la plupart du temps). Ma lecture s'en est ressentie, ralentissant à mesure que mon intérêt pour ce pauvre Al décroissait. Mais je dois avouer que la fin m'a surprise. C'est finalement de manière assez insidieuse que le mal façonne progressivement Al Kenner. Il semble être la première victime de ses pulsions, ce qui le rend touchant, surtout dans les dernières pages. Sa façon d'être m'a fait penser à Dexter : ses réflexions, son sentiment de ne pas exister, et finalement le fait d'assouvir ses pulsions pour enfin ressentir quelque chose. J'ai été sensible à cet abîme existentiel qui lui pèse. Donc même si j'ai été assez mitigée au fil de ma lecture, la fin m'a laissée sur une bonne impression. Il faudra que je relise Marc Dugain parce que sans avoir accroché à son personnage, j'ai quand même bien aimé son style.

« Le sentiment que la vie vous a quitté de votre vivant est l’expression de la solitude absolue. Personne ne peut ni le comprendre ni le partager. 
Commettre une destruction comparable à l’ampleur de cette béance est la seule façon de supporter cette mise à l’index de la vie, de vous rattacher à elle par le plus ténu des fils. Et une fois que l'irréparable est commis, vous n'attendez plus qu'une chose, j'imagine, que la société à travers ses représentants vienne couper ce fil. Oswald devait être dans cet état quand il a tué Kennedy. Il n'avait pas forcément de raison de lui en vouloir à titre personnel. Mais tuer Kennedy, l'icône des démocrates et du monde entier, voilà une façon de combler un sacré trou noir. Robert Kennedy devait savoir au fond de lui-même qu'à un moment ou à un autre, il croiserait sur sa route un type désemparé par son vide intérieur. »

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