La veuve de Kurt Gödel, un grand mathématicien du XXème siècle (dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce que je lise ce roman), est sur le point de mourir. Son mari travaillait à l'Université de Princeton et était ami avec Albert Einstein. L'université (qui aimerait récupérer les archives de l'éminent scientifique) envoie Anna Roth, une jeune documentaliste, pour réussir à convaincre la vieille dame de lui céder ses documents. Elle se trouve face à une femme qui n'a rien perdu de sa force de caractère et qui la reçoit sans ménagement. Petit à petit, elles vont toutefois apprendre à s'apprivoiser et de cette rencontre naîtra une complicité improbable.
J'ai été impressionnée par la densité de ce livre. Pour son premier roman, Yannick Grannec s'est attaquée à un sujet pointu : la biographie romancée d'un mathématicien. Et elle a réussi à rendre cela très intéressant. J'ai beaucoup aimé les maths dans ma scolarité mais je me suis lancée dans des études littéraires ; du coup, je ne suis pas ce qu'on peut appeler une scientifique. Toutefois, j'ai trouvé qu'elle savait vulgariser les choses sans les rendre simplistes ou indigestes ; et puis, le personnage d'Adèle Gödel étant totalement étranger aux hautes sphères de la science, le sujet sert de toile de fond tandis que ce sont les rapports humains qui sont mis au premier plan du récit. Adèle et Anna sont des personnages complexes, des femmes perdues dans un monde d'hommes (a fortiori d'hommes scientifiques). Adèle est remarquable par sa force de caractère : elle a eu une vie particulièrement éprouvante, ayant épousé un homme dépressif dont l'esprit a, durant toute son existence, flirté avec la folie. Elle a renoncé à avoir des enfants, a toujours soutenu son mari, jusqu'à le détester, jusqu'à n'en plus pouvoir. Anna, quant à elle, a toujours eu des rapports compliqués avec ses parents. Souffrant d'un manque de confiance en soi, elle n'a jamais trouvé à s'épanouir pleinement. Elle éprouve des sentiments compliqués à l'égard de Leo, son ami d'enfance, lui aussi versé dans les mathématiques et particulièrement brillant. Elle s'identifie donc à Adèle (ce qui ne lui donne guère envie de prendre la même direction qu'elle d'ailleurs). J'ai donc beaucoup apprécié ce livre : de façon subtile et saisissante, Yannick Grannec nous offre une réflexion sur l'existence, le renoncement et l'amour. C'est un très bon roman qui m'a touchée et m'a donné le sentiment d'apprendre plein de choses. Une belle découverte !
-Avez-vous assisté à la genèse du théorème d'incomplétude ?
-Pourquoi ? Vous comptez écrire un bouquin ?
-J'aimerais entendre votre version. Ce théorème est devenu une sorte de légende pour initiés.
-Cela m'a toujours bien fait rire. Tous ces gens qui parlent de ce foutu théorème. En réalité, je serais étonnée que la moitié d'entre eux l'aient compris. Quant à ceux qui s'en servent pour démontrer tout et n'importe quoi ! Moi, je reconnais les limites de ma compréhension. Elles ne sont pas celles de ma paresse.
-Ces limites ne vous mettent pas en colère ?
-A quoi bon lutter si on n'y peut rien ?
-Ca ne vous ressemble pas.
-Vous pensez déjà me connaître ?
-Vous êtes plus que vous n'en laissez paraître. Mais pourquoi moi ? Pourquoi l'autorisez-vous à revenir ?
-Vous n'avez pas hésité à me malmener. J'ai horreur de la condescendance. J'apprécie votre mélange d'excuses et d'insolence. J'aimerais découvrir ce que vous cachez sous votre jupe de première communiante.
oui, une belle découverte pour un premier roman !
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