dimanche 16 septembre 2012

Kressmann Taylor - Inconnu à cette adresse

Martin et Max sont des amis de longue date. Ils ont quitté l'Allemagne lors de la Première guerre mondiale et se sont associés comme marchands d'art aux Etats-Unis. En 1932, Martin rentre en Allemagne tandis que Max (qui est juif) continue de gérer leurs affaires en Amérique. Ils entament alors une correspondance cordiale qui a pour toile de fond les événements historiques de l'époque. L'arrivée de Hitler au pouvoir - que Max envisage avec inquiétude - est au contraire accueillie de manière enthousiaste par Martin. La nature de la relation entre les deux hommes se dégrade tandis que chacun choisit son camp.


Ce livre est saisissant parce qu'il donne à ressentir à travers une œuvre littéraire, et donc fictionnelle, l'évolution des idéologies en Europe (notamment en Allemagne) dans les années 1930. Sa brièveté renforce sa violence. Par moments, j'ai trouvé justement que ça allait trop vite : le retournement de Martin est brutal et radical. Du coup, on ressent une véritable empathie avec Max qui empêche d'être parfaitement objectif (je dis ça mais bon, le thème n'est pas de ceux qui rendent propice l'objectivité). J'ai été vraiment horrifiée par l'attitude de Martin. Son adhésion quasi immédiate à l'idéologie nazie est inquiétante et l'épisode concernant la sœur de Max fait froid dans le dos. C'est un livre court et efficace qui a le mérite de présenter les choses de manière abordable et de faire réfléchir.



SCHLOSS RANTZENBURG
MUNICH, Allemagne
Le 25 mars 1933
Mr Max Eisenstein
Galerie Schulse-Eisenstein
San Francisco
Californie, USA

Cher vieux Max,
Tu as certainement entendu parler de ce qui se passe ici, et je suppose que cela t’intéresse de savoir comment nous vivons les évènements de l’intérieur. Franchement, Max, je crois qu’à nombre d’égards Hitler est bon pour l’Allemagne, mais je n’en suis pas sûr. Maintenant, c’est lui qui, de fait, est le chef du gouvernement. Je doute que Hindenburg lui-même puisse le déloger. L’homme électrise littéralement les foules ; il possède une force que seul peut avoir un grand orateur doublé d’un fanatique. Mais je m'interroge : est-il complètement sain d'esprit ? Ses escouades en chemises brunes sont issues de la populace. Elles pillent, et elles ont commencé à persécuter les Juifs. Mais il ne s'agit peut-être là que d'incidents mineurs : la petite écume trouble qui se forme en surface quand bout le chaudron d'un grand mouvement. Car je te le dis, mon ami, c'est à l'émergence d'une force vive que nous assistons dans ce pays. Une force vive. [...]
 
Martin Schulse

2 commentaires:

  1. Dans ma PAl car Fifille l'a lu l'année dernière ( à l'école)

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    1. Fifille devait être en troisième, j'imagine. Moi c'est par une collègue que j'en avais entendu parler il y a déjà un moment. Et l'avantage aussi, c'est que ça se lit super vite.

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