mercredi 19 septembre 2012

Laurent Gaudé - La mort du roi Tsongor

Le vieux roi Tsongor s'apprête à marier sa fille, Samilia, au prince des terres de sel, Kouame. Toute la cité de Massaba se réjouit de ces préparatifs. Mais à la veille de la célébration des noces, Sango Kerim vient avec une armée pour réclamer son dû : Samilia et lui se sont fait des serments dans leur jeunesse. Il est revenu pour qu'elle devienne sa femme. Devant cette situation inextricable, le vieux roi, las, décide de mettre fin à ses jours. Il espère que le deuil de sa disparition permettra d'éviter la guerre.


Laurent Gaudé est un conteur hors pair. La mélodie de ses mots nous emporte dès les premières lignes au cœur de Massaba. Je me suis délecté de chaque page de ce roman, pourtant assez bref, mais qui porte en lui la densité d'une fresque épique à couper le souffle. La sagesse et les erreurs du roi Tsongor, la tâche qu'il confie à son plus jeune fils, le choix de Samilia, la fidélité indéfectible de Katabolonga et la ténacité égale de Kouame et de Sango Kerim : tous les ingrédients sont réunis pour mettre en relief la grandeur de ce récit. Chacun des personnages est à la fois extraordinaire et désespérément humain : c'est leur sens du devoir qui conduira les deux rivaux à leur perte. La folie de la destruction est également évoquée avec beaucoup de justesse. L'auteur a le talent de nous tenir en haleine à chaque page, de nous faire trembler pour ses personnages, même si l'on sait qu'ils sont happés par un destin qui les dépasse. C'est le troisième roman que je lis de Laurent Gaudé (après Le soleil des Scorta et La porte des Enfers) et j'apprécie de plus en plus son style.

"Voilà. Je meurs. Tu vois. Cela mettra un peu de temps. Le sang s'écoulera hors de moi. Je resterai ici jusqu'à la fin. Je meurs. Tu n'as rien fait. Maintenant, je te demande un service." Tandis qu'il parlait, son sang continuait à se répandre. Une flaque, déjà, coulait à ses pieds. "Le jour va se lever. Regarde. Il ne tardera pas. La lumière paraîtra sur la cime des collines avant que je sois mort. Car il faudra du temps pour que mon sang coule hors de moi. Des gens accourront. On se précipitera sur moi. J'entendrai, dans mon agonie, les cris de mes proches et le vacarme lointain des armées impatientes. Je ne veux pas de cela. La nuit va finir. Et je ne veux pas aller au-delà. Mais le sang coule lentement. Tu es le seul, Katabolonga. Le seul à pouvoir faire cela. Il ne s'agit plus de me tuer. Je l'ai fait pour toi. Il s'agit de m'épargner ce nouveau jour qui se lève et dont je ne veux pas. Aide-moi."

2 commentaires:

  1. J'avais beaucoup aimé l'atmosphère de la Porte des enfers ! et quelle écriture remarquable!!!!

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    1. Ah oui, il a vraiment un style travaillé, fluide et agréable.

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