mercredi 28 novembre 2012

Patrick Modiano - Un pedigree

Un pedigree est le premier livre que je chronique sur ce blog et que je n'ai pas terminé... Ma critique en sera donc partiale et incomplète mais je tenais tout de même à en dire quelques mots. Voici la quatrième de couverture qui m'avait donné envie de le lire.

J'écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n'était pas la mienne. Les évènements que j'évoquerai jusqu'à ma vingt et unième année, je les ai vécus en transparence - ce procédé qui consiste à faire défiler en arrière-plan des paysages, alors que les acteurs restent immobiles sur un plateau de studio. Je voudrais traduire cette impression que beaucoup d'autres ont ressentie avant moi : tout défilait en transparence et je ne pouvais pas encore vivre ma vie.


Je n'ai pas accroché à ce récit (dont j'ai lu à peu près la moitié) parce que ce côté "énumération de faits se rapportant à l'histoire familiale présentés de manière distanciée et sans entrer dans le détail" n'a trouvé aucun écho en moi. Cette liste de noms, de lieux, de personnages dont je ne savais rien et dont on ne me disait pas grand chose me donnait l'impression que je glissais sur chaque phrase. Je suis incapable de lire une page de ce livre et de la résumer, je n'arrive à trouver prise sur rien. J'ai donc abandonné de guerre lasse. Je crois que j'ai vraiment du mal avec Patrick Modiano parce que je n'avais pas compris grand chose à La place de l'étoile que j'ai lu il y a déjà quelques années. Je manque peut-être de connaissances sur cet auteur pour pouvoir apprécier pleinement la teneur de son oeuvre.

mardi 27 novembre 2012

Argo

Argo est le dernier film de Ben Affleck, ce beau gosse qui régala le regard des midinettes dans Armageddon et dans Pearl Harbor. Il faut bien reconnaître que cela lui a plutôt réussi de passer à la réalisation. J'ai de vagues souvenirs de Gone baby gone qui m'avait laissée sur une bonne impression. Mais venons-en à Argo dont le pitch est plutôt savoureux. Basé sur une histoire vraie, Argo retrace un épisode de la crise iranienne. En 1979, alors que les liens entre l'Iran et les USA sont tendus, une foule d'Iraniens prend d'assaut l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran et fait une cinquantaine d'otages. Six Américains parviennent à s'échapper et trouvent refuge chez l'ambassadeur du Canada. Le problème c'est que les Iraniens vont finir par découvrir qu'il leur manque six personnes, celles-ci sont donc en danger. La CIA lance alors une mission pour les sauver, menée par Tony Mendez. Il monte un projet de film de science-fiction bidon, Argo, avec la complicité d'un producteur hollywoodien. Il vaut mieux que le scénario ait l'air crédible puisque les six Américains seront présentés comme l'équipe de production venue en repérage en vue du tournage prochain.


Argo est un bon thriller. Il pose très clairement le contexte historique dans les premières minutes du film. Il joue subtilement de l'analogie qui peut être amorcée entre le synopsis du film fictif Argo et la réalité historique. Le film est divertissant pour ce qui concerne la partie "Hollywood", angoissant lorsqu'il s'agit pour nos Américains de se  promener dans Téhéran pour les soi-disant repérages du film. Le casting est aussi très bon : John Goodman, Bryan Cranston (souvenez-vous de Al, le papa de Malcolm dans la série du même nom !), Victor Garber (qui jouait l'architecte du paquebot dans Titanic), Tate Donovan (Joshua dans Friends) et bien d'autres ! La BO est aussi très sympa. Le film remplit toutes les conditions pour passer un très bon moment. Il n'en fait pas des tonnes : il est tantôt drôle et tantôt sérieux, mené d'une main de maître jusqu'à la course-poursuite finale pleine de suspense. Un film qui vaut la peine d'être vu.

jeudi 15 novembre 2012

Rencontres

Cela commence par un regard et quelques mots échangés. Vient ensuite la connivence d'un sourire. Le plaisir de la conversation. La découverte de l'autre est comme la lente ascension d'un joli sentier de montagne. Chaque mètre parcouru ressemble à une victoire et l'on se sent fier de la gagner sur soi-même. On se découvre drôle et spirituel dans le regard bienveillant qu'un autre porte sur soi. On se réchauffe à son sourire et en ces mois de disette pré-hivernale, ce n'est pas désagréable. Dans le drôle de miroir qu'est l'autre, ce n'est que moi que je contemple encore. Car il en faut du temps pour se saisir. Et l'on peine d'autant plus à le faire lorsqu'on se heurte à des obstacles divers. Il arrive en effet que le chemin riant se transforme en une roche abrupte et impraticable. Il faut alors laisser l'autre partir, à regret le regarder s'en aller et dévaler la pente, lourd de quelques désillusions supplémentaires.
L'autre n'est finalement que la somme des espoirs que j'ai placés en lui. En tant que tel, il n'a strictement aucun intérêt. En réalité, il est une enveloppe vide interchangeable avec un autre Autre. Je lui donne sa consistance, reflet de mes attentes et de mes envies. A la place de cette coquille dépourvue d'identité, je l'invente conforme à mes désirs, plus beau sans doute qu'il ne sera jamais. C'est à partir du moment où je lui refuse son individualité que je le rends réellement intéressant. J'en fais le plus séduisant des personnages : doté des qualités les plus remarquables, il est celui que je dois fréquenter pour donner une saveur nouvelle à la vie. C'est pour cela que la claque est douloureuse quand il déchoit. Au mépris de mes espérances (mais comment a-t-il pu oser ???), il descend de son piédestal et se vautre dans la piètre fange de sa banalité désenchantée. Je contemple médusée le pâle reflet de celui qui semblait tellement en valoir la peine. Peut-être qu'en l'écrasant de mon idéal, je ne lui ai laissé aucune chance si ce n'est celle qu'il a saisie : me décevoir. Qu'à cela ne tienne, un Autre prendra un jour sa place, qui en vaudra davantage la peine. L'ego est un drôle d'oiseau blessé, fragile et borné. Tantôt complètement à côté de la plaque, tantôt animé d'une soif de vivre à presque toute épreuve.
N'empêche qu'en attendant, il faut balayer les débris épars de l'espoir et trouver de quoi rafistoler son vieux baluchon de rêves abîmés afin de reprendre la route, qui promet d'être longue encore.

mercredi 14 novembre 2012

Pauline Sales - En travaux

André est français ; Svetlana est Biélorusse. Ils travaillent tous les deux dans le bâtiment. Il l'embauche en pensant que c'est un homme. Ils vont se côtoyer, se parler, se toucher, se blesser, se méprendre plus que se comprendre mais leur rencontre fera des étincelles.


Ce livre est vraiment étrange. Etrange et fascinant. J'ai eu le sentiment de ne pas tout comprendre tant il charrie de sentiments divers. J'ai aimé la façon dont Svetlana joue avec les mots et malmène la langue française pour finalement en démonter les mécanismes. Elle ouvre un nouvel espace dans la langue et dans la vie d'André : un espace de possibles jusque-là insoupçonnés et qui le perturbe profondément. Il y a une poésie touchante dans l'écriture de Pauline Sales. Je pense que l'émotion doit affleurer très joliment sur scène. Et en même temps, on sent une dureté, quelque chose qui résiste. Malgré la richesse de la langue ou justement à cause d'elle, André et Svetlana sont deux êtres en interaction, désespérément humains et qui se font tantôt du bien, tantôt du mal. Leur histoire a la rugosité de la vie même et porte en elle des blessures et des espoirs. Après s'être laissés porter par la vague, on sort de ce texte, rejetés un peu plus loin sur la grève. Toujours un peu plus tristes, toujours un peu plus vivants. C'est rare de savoir figer la beauté, il faut donc profiter de cette pépite rare.


5
Voyage Intérieur

ANDRE _ Elle se promène à l'intérieur de moi avec sa lampe allumée au milieu du front et elle avance. Elle marche à travers mes veines, mes tendons, mes muscles comme au milieu de la forêt vierge. Elle se baisse pour passer sous un nerf. Elle escalade une artère. Elle descend en rappel le long de ma gorge. Elle passe sous mes amygdales atrophiées - j'ai été opéré enfant, bronchites à répétition -, elle se faufile dans la trachée avançant coude après coude. Elle s'assoit sur mon plexus, fait une pause. Elle joint les mains au-dessus d'une veine et se désaltère à mon sang. Mon corps est d'une obscurité absolue, totale. Seuls certains stores de grande qualité peuvent te garantir une telle opacité. Elle n'a que sa lumière pour la guider et je n'ai que sa lumière pour me voir de l'intérieur. Elle passe sous les arceaux de ma cage thoracique.Elle se laisse aller de tout son poids sur la texture en ballon de mes poumons. Comme un trampoline, elle se soulève et se rabaisse au rythme de ma respiration. Sa lampe frontale dessine sur l'intérieur de ma peau des ombres qui prennent la forme d'animaux préhistoriques. Et puis la lampe éclaire le bout de viande puissant et ramassé, courtaud et violent, la pompe qui irrigue toute l'affaire, le coeur. Le bruit est assourdissant comme sur un barrage hydraulique. Son visage reste dans l'ombre. Je ne peux pas voir son visage, ni entendre sa respiration, je ne vois que mon coeur, qui accomplit son travail. Répétitif. Violent. Assourdissant.

mardi 13 novembre 2012

Michel Serres - Petite poucette

Dans cet essai, Michel Serres essaie de penser le monde actuel dans toute la complexité de ses évolutions. Il appelle "Petite Poucette" les jeunes de la nouvelle génération qui ont grandi avec les nouvelles technologies et usent notamment de leurs pouces pour envoyer des SMS. Il compare la révolution que connaît notre monde à celle entraînée par le passage de l'oral à l'écrit, ou par la chute de l'Empire Romain. Il réclame l'indulgence pour les jeunes qui ont tout à réinventer dans un monde où leurs pairs leur transmettent des systèmes de pensée dans lesquels ils ne peuvent plus se reconnaître.


J'ai trouvé la réflexion de Michel Serres tout à fait intéressante et novatrice. Il a en effet le mérite de nous donner à penser le monde à venir sur un mode optimiste, ce qui bouscule notre approche trop souvent catastrophiste des choses. Néanmoins, j'ai du mal à adhérer à sa vison ultra positive de la jeunesse à qui les profs d'aujourd'hui essaient de transmettre un savoir. Certes le savoir est aujourd'hui à la portée de tous grâce à Internet mais il est naïf de penser qu'Internet rend obsolète l'existence des bibliothèques. Je m'étonne qu'un homme d'une intelligence aussi grande puisse déclarer que si les salles de classe bruissent aujourd'hui du bavardage des jeunes élèves et des étudiants, c'est parce que le savoir qu'on leur transmet, ils peuvent l'acquérir par d'autres moyens. Dans un collège de l'Aisne, je n'ai pas à faire au même public que M. Serres à l'Université de Stanford. Cela me paraît tellement évident que j'ai du mal à concevoir qu'on puisse mettre toute la jeune génération (dont je fais moi aussi partie) dans le même panier. Si le savoir est aujourd'hui plus accessible qu'il ne l'a jamais été, ce n'est pas pour autant que les jeunes peuvent l'appréhender de manière plus critique. Au contraire, ployant sous le flot d'informations contradictoires, seuls ceux qui ont eu la chance de pouvoir former leur jugement les envisagent avec circonspection et tentent de se forger leur propre opinion en confrontant des thèses contradictoires. Les jeunes au cerveau malléable et influençable sont des éponges qui s'imprègnent sans prendre de recul. Alors bien sûr, il faut repenser la manière d'enseigner puisque les têtes blondes d'aujourd'hui ne sont plus faites comme celles d'hier mais je ne peux pas croire qu'on puisse jeter à la poubelle l'esprit de synthèse et la maxime de Montaigne préférant "une tête bien faite à une tête bien pleine". Michel Serres a donc le mérite de nous donner à voir la réalité du monde sous un angle inédit mais il manque à certains égards de clairvoyance. A force de juger sévèrement la génération précédente et d'encenser la nouvelle, il échoue à instaurer un lien entre les deux. C'est comme s'il fallait tout jeter de l'ancienne et regarder avec bienveillance la nouvelle évoluer dans l'ère du virtuel. Or, je ne suis pas sûre que Facebook soit le meilleur moyen pour créer des communautés d'appartenance aujourd'hui ; de même, je ne pense pas que nous évoluions dans un monde où il n'y aura plus de guerres et où on vivra tous super longtemps et super heureux. Mais bon, je ne suis peut-être que le énième avatar de tous ces vieux réacs qui fustigent le progrès quelle que soit la forme qu'il adopte.

Pour ma part, je crois qu'il est urgent de prendre conscience que nous vivons dans un monde en pleines mutations et qu'il est vain de toujours pleurer sur le passé. Il est nécessaire de s'adapter à la nouveauté mais ce qui me paraît le plus urgent, c'est de créer du lien. Lien entre les individus et entre les générations pour avancer main dans la main et rendre le monde meilleur. Oui, je suis un peu idéaliste. M. Serres, si vous me lisez, j'aurais aimé que vous nous pondiez un petit essai là-dessus.


Je termine avec un extrait d'une interview de Michel Serres trouvée sur le site de Libération (on y retrouve les idées développées dans Petite Poucette), à lire en intégralité ici.
Vous annoncez qu’un «nouvel humain» est né. Qui est-il ?
Je le baptise Petite Poucette, pour sa capacité à envoyer des SMS avec son pouce. C’est l’écolier, l’étudiante d’aujourd’hui, qui vivent un tsunami tant le monde change autour d’eux. Nous connaissons actuellement une période d’immense basculement, comparable à la fin de l’Empire romain ou de la Renaissance.
Nos sociétés occidentales ont déjà vécu deux grandes révolutions : le passage de l’oral à l’écrit, puis de l’écrit à l’imprimé. La troisième est le passage de l’imprimé aux nouvelles technologies, tout aussi majeure. Chacune de ces révolutions s’est accompagnée de mutations politiques et sociales : lors du passage de l’oral à l’écrit s’est inventée la pédagogie, par exemple. Ce sont des périodes de crise aussi, comme celle que nous vivons aujourd’hui. La finance, la politique, l’école, l’Eglise… Citez-moi un domaine qui ne soit pas en crise ! Il n’y en a pas. Et tout repose sur la tête de Petite Poucette, car les institutions, complètement dépassées, ne suivent plus. Elle doit s’adapter à toute allure, beaucoup plus vite que ses parents et ses grands-parents. C’est une métamorphose !
Que répondez-vous à ceux qui s’inquiètent de voir évoluer les jeunes dans l’univers virtuel des nouvelles technologies ?
Sur ce plan, Petite Poucette n’a rien à inventer, le virtuel est vieux comme le monde ! Ulysse et Don Quichotte étaient virtuels. Madame Bovary faisait l’amour virtuellement, et beaucoup mieux peut-être que la majorité de ses contemporains. Les nouvelles technologies ont accéléré le virtuel mais ne l’ont en aucun cas créé. La vraie nouveauté, c’est l’accès universel aux personnes avec Facebook, aux lieux avec le GPS et Google Earth, aux savoirs avec Wikipédia. Rendez-vous compte que la planète, l’humanité, la culture sont à la portée de chacun, quel progrès immense ! Nous habitons un nouvel espace… La Nouvelle-Zélande est ici, dans mon iPhone ! J’en suis encore tout ébloui !
Ce que l’on sait avec certitude, c’est que les nouvelles technologies n’activent pas les mêmes régions du cerveau que les livres. Il évolue, de la même façon qu’il avait révélé des capacités nouvelles lorsqu’on est passé de l’oral à l’écrit. Que foutaient nos neurones avant l’invention de l’écriture ? Les facultés cognitives et imaginatives ne sont pas stables chez l’homme, et c’est très intéressant. C’est en tout cas ma réponse aux vieux grognons qui accusent Petite Poucette de ne plus avoir de mémoire, ni d’esprit de synthèse. Ils jugent avec les facultés cognitives qui sont les leurs, sans admettre que le cerveau évolue physiquement.

lundi 12 novembre 2012

Un plan parfait

Une malédiction semble peser sur les femmes dans la famille d'Isabelle. Elles n'épousent jamais l'homme idéal la première fois. Ce n'est qu'au deuxième mariage qu'elles trouvent le bon. Or, Isabelle vit le parfait amour avec Pierre et il ne veut pas avoir d'enfants s'ils ne sont pas mariés. Pour tenter de conjurer le mauvais sort et avec l'aide de sa sœur, Isabelle part au Danemark pour faire un mariage blanc qui sera aussi vite effacé par un divorce. Malheureusement, l'homme avec qui elle avait convenu d'un rendez-vous ne se présente pas. Elle doit donc coûte que coûte trouver une autre proie. Elle jette son dévolu sur Jean-Yves Bertier qui l'a pourtant gonflée dès l'entrée dans l'avion et qui travaille pour le Guide du Routard ; elle décide d'embarquer dans le même avion que lui pour le Kenya et d'improviser.


Un plan parfait est une bonne comédie romantique. Le synopsis est aussi improbable qu'amusant. Comment briser une histoire d'amour qui s'annonçait comme un conte de fées ? J'ai apprécié Diane Kruger dans ce rôle un peu déjanté. Dany Boon aussi, qui est d'abord imbuvable puis attachant. Même si l'on se doute très vite de la façon dont tout cela va se terminer, on rit beaucoup et on ne voit pas le temps passer. Les seconds rôles sont plutôt réussis : la sœur, le beau-frère et le beau-père apportent chacun une touche tantôt d'humour, tantôt d'émotion. Un film qui ne restera pas dans les annales mais qui offre un bon divertissement. Promesse tenue.

dimanche 11 novembre 2012

Sophocle - Oedipe-roi

Alors que le malheur s'abat sur Thèbes, Œdipe qui en est le roi est bien décidé à protéger son peuple. L'oracle de Delphes laisse entendre qu'il s'agit de découvrir qui est le meurtrier de Laïos, l'ancien roi. Mais lorsqu'il apprend que celui qu'il recherche n'est autre que lui-même, Œdipe a bien du mal à faire face à la terrible vérité qui s'abat sur lui.


Je connaissais le mythe d'Oedipe mais je n'avais encore jamais lu la pièce de Sophocle (ni même de pièce antique tout court). J'ai vraiment beaucoup aimé. Le destin s'abat sur Oedipe de façon particulièrement violente et c'est fascinant de voir comment il se rend compte progressivement de la situation impossible dans laquelle il se trouve. L'intensité dramatique est saisissante : jusqu'au bout on ne veut pas croire (comme lui d'ailleurs) à ce qui lui arrive. Et pourtant. Le rôle du chœur est aussi très intéressant. Il invite à réfléchir sur la condition humaine et en même temps, j'ai aimé qu'Oedipe ne soit pas plus accablé que nécessaire. Le lecteur est très libre de se faire sa propre opinion sur ce personnage écrasé par le destin. En tout cas, cela me donne très envie de découvrir d'autres tragédies aussi denses et propices à la réflexion.

LE CORYPHEE - Ô habitants de Thèbes, ma patrie, regardez ! Voilà Oedipe, déchiffreur de la fameuse énigme, homme de grand pouvoir. Voilà ce qu'il était. Quel citoyen pouvait contempler son destin sans envie ? Or voyez quel tourbillon d'effroyable misère l'a fait déchoir ! Aussi pour un mortel c'est son dernier jour qu'il faut toujours considérer. Gardez-vous de proclamer jamais un homme heureux avant qu'il ait franchi le terme de sa vie sans avoir subi aucun mal.

samedi 10 novembre 2012

Amour

On ne tarit pas d'éloges sur le film qui a reçu la Palme d'Or à Cannes cette année. Le titre est d'une limpidité et d'une simplicité qui tiennent leurs promesses. Le film raconte l'histoire d'Anne et de Georges, un couple d'octogénaires vivant dans un bel appartement parisien. Anne était professeur de piano : au début du film, elle se rend avec son mari au concert de l'un de ses anciens élèves devenu pianiste à succès. Ils mènent une vie tranquille et heureuse jusqu'au jour où Anne fait une attaque. Georges va alors s'occuper de sa femme qui refuse de retourner à l'hôpital mais dont l'état se détériore de plus en plus.


Amour est un film d'une humilité troublante. Il ne recherche aucun effet cinématographique gratuit. Nombre de scènes pourraient en effet être rehaussées par une musique qui lui conférerait une dimension pathétique. Mais cela n'est pas nécessaire. Le huis clos entre les deux acteurs suffit. Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva sont absolument remarquables. Ils ne jouent pas seulement des personnages, ils les incarnent, ils les portent avec un naturel stupéfiant. Ils sont d'une beauté, d'une douceur et d'une justesse magnifiques. Le jeu d'acteurs contribue à créer l'équilibre si difficile à atteindre entre la beauté de l'amour qui unit les deux personnages et l'inexorable arrivée de la mort. C'est quasiment impossible de retranscrire en mots l'expérience que nous fait vivre ce film tant il touche au réel le plus pur et le plus terrible. Il faut le voir. C'est éprouvant mais ça en vaut vraiment la peine.

vendredi 9 novembre 2012

Albert Cohen - Belle du Seigneur

Je dois donner l'impression de ne pas tourner tant de pages que ça en ce moment. Et pourtant... je viens d'achever ma relecture de Belle du Seigneur, chef d’œuvre de 853 pages dont j'ai pris le temps de me délecter religieusement. C'est un livre absolument unique qui nous donne de l'amour entre un homme et une femme une vision aussi complexe et saisissante qu'il se peut. Adrien Deume est un petit fonctionnaire futile et paresseux travaillant à Genève à la Société des Nations. Il passe son temps à se plaindre de sa situation et n'aspire qu'à gravir les échelons, à devenir un fonctionnaire de niveau A et à être reconnu par ses supérieurs qu'il critique sans cesse parce qu'il envie leur place. Tout le début du roman est teinté d'une ironie délicieuse qui s'appuie sur force détails tous plus ridicules les uns que les autres. A la SDN, il y a un supérieur éminent et qui fait beaucoup parler de lui : Solal des Solal, un Juif extrêmement séduisant et redoutablement intelligent, ce qui lui a permis de gravir les échelons. Malgré sa situation sociale plus qu'avantageuse et son succès retentissant auprès des femmes, ce Dom Juan en mal d'idéal souffre d'un vide métaphysique qui le ronge. Il aspire à l'Amour le plus pur qui soit et se désespère de ne séduire que grâce à son physique. Mais en même temps, il voue une adoration sans mesure à la gente féminine. Ariane Deume, née d'Auble est mariée au médiocre Adrien qui la bassine à longueur de journées avec ses petites stratégies pour grappiller un peu de considération sociale. Elle s'ennuie dans cette vie morne et passe de longues heures à laisser errer son imagination seule dans sa salle de bains. C'est sur cette sublime créature que Solal va jeter son dévolu. Il lui décrit tous les stratagèmes qu'il va utiliser pour la séduire et la prévient que trois heures plus tard, soit elle sera tombée sous son charme et ils partiront tous les deux vers le Sud, soit il aura échoué et il donnera à son mari une promotion dont il ose à peine rêver. Mais j'en ai trop dit déjà et ce résumé est bien fade face à la virtuosité de l'écriture de Cohen.


 L'auteur réussit en effet l'exploit de rendre ses héros plus vrais que nature. A travers de longs monologues intérieurs, il nous laisse entrevoir la vérité de leur être : un peu (ou plutôt complètement) fous, terriblement passionnés, volontiers sublimes mais désespérément humains. Les mécanismes de la passion sont décortiqués avec une minutie et une pertinence remarquables. Ils sont magnifiés tout autant que réduits à néant : ainsi, la pureté supposée nécessaire, le besoin de se montrer toujours parfait(e) et la magie entretenue de façon finalement artificielle par les amants sont pointés du doigt. Solal est dans une dynamique contradictoire qui  lui fait idéaliser Ariane en même temps qu'il la perçoit comme une petite chose fragile et pitoyable, un peu ridicule mais qu'il s'est donné pour but de protéger. Et pour entretenir la passion, la souffrance est nécessaire sinon la flamme vacille. Alors pour sentir qu'on s'aime, il faut se faire du mal mais on sombre alors dans une spirale infernale. Et en toile de fond aussi, toujours, ce pressentiment que la passion sublime est  associée à la jeunesse et à l'insolente beauté. Parce que toujours la mort guette, dans l'ombre, impitoyable. Parce que tout passe et qu'à moins de se résigner, on ne peut plus vivre. Tant de problématiques qui se télescopent et qui font sens jusque dans l'insolubilité de ce qu'elles démontrent. Nous sommes des êtres vivants au même rang que les animaux mais nous souffrons d'une soif d'absolu qui se combine difficilement avec le quotidien. Rêvant d'idéal et en même temps conditionnés par notre milieu, c'est finalement le social qui fait retour de manière incongrue lorsque l'échec de la vie en autarcie se fait durement sentir. Et malgré l’implacabilité de ce que nous montre ce livre, il réussit le prodige de nous montrer des êtres plus vrais que nature, si fragiles et si beaux dans leur foi vacillante en l'autre. Solal est à cet égard un personnage qui présente une aura irrésistible et qu'on ne peut pas ne pas aimer malgré sa cruauté qui confine à la démence. Notre propension au masochisme est mise en lien avec le prix que nous accordons aux choses et le bonheur souverain auquel on aspire n'est qu'un leurre qu'on est prêt à fouler aux pieds dès lors qu'on le touche du doigt parce que les choses perdent dès ce moment de leur saveur.

Il faut aussi reconnaître à Cohen ce talent incroyable à saisir la psychologie tant féminine que masculine. Car même s'il raconte les choses davantage du point de vue de Solal, il nous fait ressentir beaucoup de vérités à propos d'Ariane (non pas dans la façon dont Solal fantasme de façon hallucinée ses relations avec l'ancien amant mais dans la manière dont elle réagit à ses accusations odieuses et infondées). On touche à quelque chose d'essentiel dans la relation homme-femme : cette irrémédiable divergence de point de vue dans la façon d'aborder les choses (même si - ou justement parce que - les deux semblent incarner la même soif d'un idéal amoureux). Il subsiste un fossé terrible entre la méchanceté sans limites de Solal et la soumission d'Ariane (qu'il ne peut d'ailleurs s'empêcher de percevoir comme une énième preuve de sa duplicité). Je perçois une vérité ontologique dans cette peinture de la dureté masculine qui se combine de façon plus ou moins malheureuse avec la douceur féminine. Il me semble que nous sommes le sexe faible par une nécessité aussi bien sociologique que biologique, parce qu'il nous faut user d'autres armes face à l'assurance masculine toujours certaine d'être dans son bon droit.

De son index, elle appuya sur une narine pour la boucher et de l'autre narine pouvoir tirer plus fort les vapeurs d'éther, en avoir davantage. Elle prit deux fondants, se les mit dans la bouche, les mâcha avec dégoût. Le jour du retour de l'aimé, sa marche triomphale. Elle allait, nue sous la robe voilière qui claquait au vent de la marche, marche enthousiaste, marche de l'amour, et le bruit de sa robe était exaltant, le vent sur son visage était exaltant, le vent sur son visage haut tenu, son jeune visage en amour. Elle aspira encore,  sourit, larmes sur le visage enfantin, visage vieilli, larmes étalant les couleurs du maquillage.
Brusquement, elle se leva, alla lourdement à travers la chambre suffocante, le flacon d'éther à la main, lourdement tapant du pied, pataude exprès, vieille exprès, parfois grotesquement faisant un saut ou tirant la langue, soudain marmonnant que c'était la marche de l'amour, la marche de son amour, la sale marche de l'amour.


Tout ça pour dire qu'il faut lire Belle du Seigneur car c'est une peinture de l'existence à la fois terrifiante et sublime ; je ne sais absolument pas s'il existe d'autre roman qui ait aussi bien rendu compte de la densité de l'expérience humaine dans ce qu'elle a de plus beau et de plus ignoble mais j'en doute.


jeudi 8 novembre 2012

Stars 80

Vincent et Antoine se la jouent sosies de groupes mais ce n'est pas un job qui leur réussit. Nostalgiques des années 80, ils décident de se lancer dans une nouvelle aventure : remettre au goût du jour les chanteurs has been dont ils sont toujours fans. Malgré le manque d'enthousiasme que semble susciter leur projet, ils s'en vont à la rencontre de ceux qui ont marqué leurs jeunes années, bien décidés à faire de leur rêve une réalité.



Ce film ne restera pas dans les annales mais il a le mérite de nous donner ce qu'il promet, à savoir un bon divertissement sans prétentions. Le duo Anconina/Timsit fonctionne bien : ces personnages ont un potentiel sympathie plutôt élevé et deviennent vite attachants. Leur côté un peu trop naïf au début du film nous permet d'appréhender l'histoire sous le signe d'une gentille nostalgie. On va se moquer avec bienveillance mais on va aimer revoir des chanteurs passés de mode et réécouter leurs tubes. La troupe est assez disparate mais là encore, on sent une cohésion de groupe. Le film est consensuel mais sans en faire des tonnes. Et il y a quelques moments magiques comme la scène au restaurant de l'hôtel après le premier concert-fiasco où toute la salle finit par chanter et danser au rythme des tubes repris par les vieilles idoles. J'ai souri, j'ai chanté, je n'en attendais pas plus mais en tout cas, ça m'a bien fait marrer de revoir des chanteurs comme François Feldman ou Jean-Pierre Mader. Et puis il y a la fameuse histoire d'amitié entre nos deux héros, chamboulée par un succès que les deux ne gèrent pas de la même façon... Arriveront-ils à se réconcilier ? Le suspense doit rester intact, je me garderai donc bien de dévoiler la fin (mais elle n'est vraiment pas difficile à deviner^^).

mardi 6 novembre 2012

C'est quoi le bonheur ?

Je suis dans un état d'esprit étrange en ce moment, qui me fait un peu penser à un article que j'ai écrit il y a longtemps. Il y a des choses qui me tracassent mais j'ai envie de me laisser porter par les vagues de la vie qui depuis quelques mois m'entraînent vers des terres plus verdoyantes. Les vacances et le retour au bercail me font beaucoup de bien. Revoir les gens que j'aime et qui me comprennent, me promener au bord de la mer, arpenter les rues de Nantes pour faire du shopping en chouette compagnie, aller voir de bons films, découvrir de nouvelles séries, écouter Alexis HK, déguster un bon verre de muscat en mangeant du chocolat, grattouiller ma guitare, relire Belle du Seigneur... Que de nourritures spirituelles qui me rassasient suffisamment pour le moment. Je soigne ma soif d'idéal avec de petits bonheurs qui illuminent mon quotidien. J'ai envie de profiter des bonnes choses, d'apprécier de me sentir bien et surtout d'arrêter de me prendre la tête. Je m'en sors plutôt pas mal malgré quelques couacs. Je me rends compte qu'il n'est pas bon de toujours lorgner vers la lune alors je mets mon petit mouchoir sur mes soucis, je constate avec satisfaction qu'ils me plombent moins qu'ils n'ont pu le faire jadis. J'ai encore la vie devant moi et bien des jolis moments à savourer. Le chemin est pavé de désillusions mais il faut les prendre comme des passages obligés, c'est aussi de cette façon qu'on forge et qu'on affine notre perception de l'existence. Donc je continue à réfléchir intensément mais tout en goûtant à 200% les petits plaisirs qui se présentent à moi. Le bonheur, on ne le trouve pas en le plaçant entre les mains des autres qui ont déjà fort à faire avec le leur. On se le construit tout seul et après, c'est tant mieux si on peut le partager. Mais pas question d'assujettir un bien-être hypothétique à des prises de tête interminables. J'en ai terminé avec ça.

Je me sens bien. J'aime cette sensation. Il n'y a plus qu'à espérer que ça dure.

Et puisque je savoure en ce moment avec délice la poésie de l'écriture et la magie des mélodies d'Alexis HK, je termine avec une jolie miette de bonheur à se mettre sous la dent :



lundi 5 novembre 2012

Tim Burton - Frankenweenie

Frankenweenie est un court-métrage de jeunesse de Tim Burton. Vous pouvez le visionner en intégralité sur Dailymotion (il dure une trentaine de minutes). Je ne l'ai pas encore regardé en entier mais de ce que j'ai observé, le film d'animation qui vient de sortir sur nos écrans en est une adaptation strictement fidèle.


C'est l'histoire de Victor, un jeune garçon solitaire qui a pour seul ami son chien Sparky. Il faut préciser que Victor ne souffre absolument pas de la solitude, il fait des films avec son chien, il a son atelier ciné au grenier et il est parfaitement heureux ainsi. Ses parents s'inquiètent un peu et cherchent à le sociabiliser en lui faisant faire du baseball. Et lorsque Sparky se précipite en courant pour ramener la balle, il traverse la route et c'est le drame...

Sparky, c'est l'archétype du bon chien, le brave toutou attachant dont on ne met pas cinq minutes à tomber sous le charme. Il est gentil, il est drôle, il drague la chienne de la voisine (chienne qui porte le doux nom de Perséphone). Le film se déroule dans une atmosphère gentiment macabre, mais toujours teintée d'une poésie drôle et touchante. Quand Victor réussit à ramener Sparky à la vie par un soir d'orage, on n'imagine pas encore les conséquences que son geste aura...

J'ai passé un très bon moment, je suis bien rentrée dans l'histoire. Ça fonctionne bien parce que c'est très beau à regarder (le noir et blanc ajoute à l'esthétique du film), on touche à l'essence même de ce qui fait le charme de l'univers de Tim Burton. Après, je ne me fais pas d'illusion, c'est réussi et plein de fraîcheur parce que c'est une œuvre de jeunesse. Et comme d'habitude chez ce bon vieux Tim, on retrouve toujours les mêmes ingrédients : le rapport à la mort, une réflexion sur la tolérance face à celui qui est différent. Dans cette réécriture de Frakenstein sur le mode animalier, on trouvera aisément des références à Edward aux mains d'argent, à L'étrange Noël de Mr Jack et aux Noces funèbres. De quoi réjouir les puristes. Ça fait plaisir !

vendredi 2 novembre 2012

Skyfall

A priori, je ne suis pas particulièrement fan de James Bond : les gadgets à gogo, les courses-poursuites à 200 à l'heure et les belles filles, ça va bien deux minutes. J'ai dû voir tous les films avec Pierce Brosnan et  ils m'avaient divertie vite fait mais sans plus. Du coup, j'ai laissé passer à la trappe ceux avec Daniel Craig parce que bon, j'avais décrété que James Bond, ce n'était définitivement pas ma tasse de thé. Et puis voilà Skyfall arrivé sur nos écrans. Réalisé par le talentueux Sam Mendes (American beauty, Les noces rebelles, Away we go), avec dans le rôle du méchant Javier Bardem. Un casting plutôt alléchant et des critiques enthousiastes qui achèvent de me convaincre d'y aller. Et maintenant, je dois sérieusement réviser mon jugement. Déjà, je suis tombée amoureuse de Daniel Craig. Certes, j'ai un faible pour les beaux garçons aux yeux bleus mais ce mec a un regard à tomber, d'un bleu qui est à peine humain.


Au-delà de l’attraction purement physique exercée par ce cher Daniel, le film a un scénario tout à fait compréhensible et très prenant. Le MI6 est la cible d'attaques cyber-terroristes qui visent M. Quand James Bond revient d'entre les morts (après avoir reçu une balle, tirée sur ordre de M, même si c'était l'adversaire de James qu'elle visait, ce n'était pas très gentil de sa part), on lui fait comprendre qu'il commence à se faire vieux et qu'il pourrait peut-être prendre sa retraite. C'est compter sans les ressources insoupçonnées de l'espion britannique qui est bien décidé à tirer cette histoire au clair. Il repart donc sur les traces de celui qui met en péril la vie d'espions secrets à travers le monde en révélant leur véritable identité. En plus de scènes d'action tout à fait mémorables, le film est d'une esthétique irréprochable. J'ai aimé que le scénario soit centré sur les personnages, mais tout en subtilité, sans faire de la psychologie de comptoir. Cela leur donne une certaine épaisseur et les rend d'autant plus intéressants. Ils doivent faire face à l'adversité mais ne dévient jamais de l'objectif qu'ils se sont fixés. Tout passe dans les regards, on touche à la sensibilité du héros qui ne s'exprime pas directement mais qui est très clairement perceptible. C'est terriblement efficace et passionnant. J'ai passé un beau et grand moment de cinéma.

Et ce qui ne gâche rien : la musique du générique interprétée par Adele et écrite spécialement pour le film est elle aussi géniale.



mardi 30 octobre 2012

La vie, c'est des montagnes russes

Je crois que je n'ai jamais appréhendé avec autant d'acuité la complexité de la vie. Et ça ne me réjouit pas plus que ça. C'est passionnant, excitant et profondément désespérant. J'ai l'impression d'avoir beaucoup évolué durant ces derniers mois, d'apprendre à vivre davantage au jour le jour, à ne plus me prendre la tête pour des broutilles, à ne plus me laisser écraser par de menues contrariétés. Et pourtant, plus le temps passe, plus j'ai l'impression d'être un personnage de roman. Je ne sais pas si c'est parce que j'en ai lus trop mais je trouve qu'ils rendent sacrément bien compte de l'incomplétude de toutes choses. Je suis le seul personnage auquel j'ai pleinement accès mais comme je vis en interaction avec les autres et qu'ils ont une influence sur moi, je suis en perpétuelle évolution et je n'arrive jamais à me saisir telle que je suis. Je pressens la complexité de mon être sans pour autant réussir à la faire comprendre à autrui. De la même manière que je suis incapable de saisir dans toutes ses subtilités la densité d'un être qui n'est pas moi. Au mieux, je m'identifie à certains de ses comportements, je m'illusionne en me disant que je le comprends parce que dans telle ou telle situation, j'aurais agi comme lui. Et je fais l'erreur de l'appeler mon semblable. Mais l'autre est synonyme d'incomplétude. Il y a toujours une part d'opacité en chacun de nous. On le constate pour soi ; comment pourrait-on douter de son existence chez les autres ? Ce sont nos différences et notre incapacité à nous comprendre qui nous unissent dans la condition humaine.
La vie finira peut-être par avoir raison de mon optimisme. Le souverain bien n'existe pas et sa quête à corps perdu ne peut que me conduire de désillusion en désillusion. Du coup, je me demande d'où vient cette soif de vivre qui m'habite. Je me cogne à longueur de temps contre des murs, je suis comme un train lancé à pleine vitesse et qui s'en grise jusqu'au moment où, sans prévenir, je quitte les rails et me ramasse encore. Ce qui ne tue pas rend plus fort. Certes, admettons. Mais je me sens encore si jeune et si enthousiaste et j'en ai marre que la vie essaie de m'abîmer. Je ne peux pas rester aveuglée par des idéaux impossibles à atteindre et je ne me sens pas pour autant prête à y renoncer. J'aimerais que les autres personnages soient à la hauteur de mes espérances, à la hauteur du potentiel que je crois percevoir en eux. Pourtant, je ne suis pas l'écrivain et je n'ai pas les pleins pouvoirs sur l'histoire. En tant que personnage, je ne peux que poursuivre ma trajectoire et mener ma barque bon gré mal gré. La vie n'est pas un livre, ou bien c'est un roman particulièrement médiocre sur lequel on essaie en vain de plaquer les schémas préétablis qui nous ont bercés depuis l'enfance et qui donnent leur forme à nos histoires. Mélanger le réel et la fiction ne mène à rien de bon et pourtant on est incapables de faire autrement parce qu'on ne nous l'a jamais appris. Nul ne sait de quoi demain sera fait. Plus on court après le bonheur et plus on a l'impression qu'il s'enfuit loin devant. Il faut donc vivre avec l'angoisse terrible de mourir un jour sans avoir été heureux. Carpe diem.

dimanche 28 octobre 2012

Dans la maison

Dans le dernier film de François Ozon, M. Germain est un professeur de français plutôt blasé, incarné par Fabrice Luccini. Au début de l'année, il demande à ses élèves de rédiger un travail d'écriture : "Racontez votre week-end". Alors que la plupart des productions le dépitent, il tombe sur la copie de Claude Garcia. Un élève plutôt discret mais à la plume acérée : il raconte les moments passés dans la maison de son "ami' Raphaël Artol. Sous un style au plus proche du réel pointe une ironie qui séduit Germain ; ce portrait au vitriol d'une famille lambda s'achève sur la mention "à suivre". Germain décide dans un premier temps de remettre Claude à sa place mais le feuillet suivant de l'histoire, qu'il ne peut s'empêcher de suivre avec intérêt, le décide à prendre le jeune homme sous son aile et à le guider dans son travail d'écriture.



Je me demande si j'ai déjà pris autant de plaisir à regarder un film auparavant. Le mot qui me vient à l'esprit pour qualifier celui-ci est jouissif. J'ai ri sous cape quasiment du début à la fin. La réflexion menée sur les rapports entre réalité et fiction, sur la façon de mener à bien une histoire ainsi que les liens étranges qui s'établissent entre Germain et son protégé : tous ces éléments m'ont tenue en haleine de la première à la dernière minute. On se rend compte progressivement que les personnages jouent un jeu dangereux. Sous son visage angélique, Claude est particulièrement redoutable et on se laisse complètement balader ; au bout d'un moment, on ne sait plus vraiment qui mène le jeu. La famille Artol vaut aussi le coup d'oeil ; c'est un délice de caricature. Et puis, il y a quelque chose d'extrêmement déstabilisant dans l'atmosphère de ce film. Beaucoup de malice, de faux-semblants, et au bout d'un moment des tensions qui vous font vous cramponner à votre siège. C'est mené d'une main de maître du début à la fin et mon seul regret est que ça se soit terminé trop vite. Un film à ne pas rater !

lundi 1 octobre 2012

Ce que le jour doit à la nuit (le film)

C'est l'histoire de Younes, un jeune Arabe qui débarque à Oran avec ses parents et sa petite sœur et va être élevé par son oncle parce que son père a perdu toutes ses terres et n'a plus les moyens de subvenir aux besoins de la famille. Younes est rebaptisé Jonas pour l'occasion, et on sent bien que ça vaut mieux pour lui parce que les gens ne traitent pas spécialement bien les Arabes... Sa tante donne des cours de piano et c'est ainsi qu'à l'âge de dix ans, il fait la connaissance d'Emilie, une fillette de son âge qui vit elle aussi à Oran avec son père. Un jour, son oncle est accusé de tremper dans des affaires louches alors la police française l'arrête quelques temps avant de le relâcher, le faisant passer pour un mouchard auprès des activistes dont il défendait la cause. Du coup, ils déménagent tous les trois à Rio Salado où Jonas devient ami avec une bande de jeunes Pieds noirs et tombe sous le charme de Madame Cazenave, une femme divorcée et une séductrice sûre de ses atouts. Elle met rapidement un terme à leur aventure. Un jour qu'ils sont assis à la terrasse du bar d'un de leurs amis, une apparition rend soudain les garçons muets d'admiration : une superbe blonde dans une robe à tomber. Jonas se dirige vers elle totalement hypnotisé et sans la reconnaître mais elle lui rappelle qu'ils se sont déjà rencontrés à Oran. C'est le coup de foudre, et pourtant... Jonas apprend très vite qu'Emilie est la fille de Madame Cazenave. Dès lors, il ne semble avoir d'autre choix que de renoncer à son amour.


J'ai adoré ce film : une grande histoire d'amour avec pour toile de fond la guerre d'Algérie (enfin surtout vers la fin, mais l'existence de Younes retrace bien en soi les rapports tendus entre les Français et les Algériens). Bien sûr, le film ne fait pas dans la dentelle mais c'est parce qu'il a l'étoffe d'une grande tragédie ! Les personnages font d'ailleurs plus penser à des héros cornéliens qu'à des individus lambdas. Et c'est précisément ce que j'ai aimé, ce côté grandiose : la beauté des personnages, des paysages, de la musique. J'en ai pris plein les mirettes pendant plus de 2h30. J'ai souffert avec eux, j'ai aimé chacun d'entre eux. Les acteurs sont vraiment bien choisis : Fu'ad Ait Aattou est à tomber tellement il est beau ! Nora Arzeneder est touchante dans sa détermination et sa fragilité. Le personnage de Simon m'a beaucoup émue aussi. J'ai vraiment trouvé que chacun tirait son épingle du jeu. J'aime le cinéma qui exploite pleinement ses capacités quand il réussit en même temps à faire passer de belles émotions. C'est le cas ici. Par moments, ça m'a fait penser au très beau téléfilm avec Richard Chamberlain Les oiseaux se cachent pour mourir. Après, je n'ai pas d'avis sur l'adaptation du livre de Yasmina Khadra parce que je ne l'ai pas lu mais en tout cas, cela me donne envie de découvrir cet auteur.

samedi 29 septembre 2012

Yannick Grannec - La Déesse des petites victoires

La veuve de Kurt Gödel, un grand mathématicien du XXème siècle (dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce que je lise ce roman), est sur le point de mourir. Son mari travaillait à l'Université de Princeton et était ami avec Albert Einstein. L'université (qui aimerait récupérer les archives de l'éminent scientifique) envoie Anna Roth, une jeune documentaliste, pour réussir à convaincre la vieille dame de lui céder ses documents. Elle se trouve face à une femme qui n'a rien perdu de sa force de caractère et qui la reçoit sans ménagement. Petit à petit, elles vont toutefois apprendre à s'apprivoiser et de cette rencontre naîtra une complicité improbable.



J'ai été impressionnée par la densité de ce livre. Pour son premier roman, Yannick Grannec s'est attaquée à un sujet pointu : la biographie romancée d'un mathématicien. Et elle a réussi à rendre cela très intéressant. J'ai beaucoup aimé les maths dans ma scolarité mais je me suis lancée dans des études littéraires ; du coup, je ne suis pas ce qu'on peut appeler une scientifique. Toutefois, j'ai trouvé qu'elle savait vulgariser les choses sans les rendre simplistes ou indigestes ; et puis, le personnage d'Adèle Gödel étant totalement étranger aux hautes sphères de la science, le sujet sert de toile de fond tandis que ce sont les rapports humains qui sont mis au premier plan du récit. Adèle et Anna sont des personnages complexes, des femmes perdues dans un monde d'hommes (a fortiori d'hommes scientifiques). Adèle est remarquable par sa force de caractère : elle a eu une vie particulièrement éprouvante, ayant épousé un homme dépressif dont l'esprit a, durant toute son existence, flirté avec la folie. Elle a renoncé à avoir des enfants, a toujours soutenu son mari, jusqu'à le détester, jusqu'à n'en plus pouvoir. Anna, quant à elle, a toujours eu des rapports compliqués avec ses parents. Souffrant d'un manque de confiance en soi, elle n'a jamais trouvé à s'épanouir pleinement. Elle éprouve des sentiments compliqués à l'égard de Leo, son ami d'enfance, lui aussi versé dans les mathématiques et particulièrement brillant. Elle s'identifie donc à Adèle (ce qui  ne lui donne guère envie de prendre la même direction qu'elle d'ailleurs). J'ai donc beaucoup apprécié ce livre : de façon subtile et saisissante, Yannick Grannec nous offre une réflexion sur l'existence, le renoncement et l'amour. C'est un très bon roman qui m'a touchée et m'a donné le sentiment d'apprendre plein de choses. Une belle découverte !

-Avez-vous assisté à la genèse du théorème d'incomplétude ?
-Pourquoi ? Vous comptez écrire un bouquin ?

-J'aimerais entendre votre version. Ce théorème est devenu une sorte de légende pour initiés.
-Cela m'a toujours bien fait rire. Tous ces gens qui parlent de ce foutu théorème. En réalité, je serais étonnée que la moitié d'entre eux l'aient compris. Quant à ceux qui s'en servent pour démontrer tout et n'importe quoi ! Moi, je reconnais les limites de ma compréhension. Elles ne sont pas celles de ma paresse.

-Ces limites ne vous mettent pas en colère ?
-A quoi bon lutter si on n'y peut rien ?
-Ca ne vous ressemble pas.
-Vous pensez déjà me connaître ?
-Vous êtes plus que vous n'en laissez paraître. Mais pourquoi moi ? Pourquoi l'autorisez-vous à revenir ?
-Vous n'avez pas hésité à me malmener. J'ai horreur de la condescendance. J'apprécie votre mélange d'excuses et d'insolence. J'aimerais découvrir ce que vous cachez sous votre jupe de première communiante.

lundi 24 septembre 2012

The Fountain

J'ai regardé pour la énième fois ce soir ce film que j'aime beaucoup même si je n'en comprends pas tous les niveaux. C'est un film vraiment étrange qui raconte l'histoire d'amour de Tom et Izzy : Izzy est atteinte d'une tumeur, Tom est un chercheur qui fait des expériences pour tenter de la sauver. A l'approche de sa mort, Izzy est étrangement sereine. Elle écrit un livre où elle raconte une histoire qui se passe en Espagne au temps de l'Inquisition : la reine envoie un Conquistador dans la jungle pour trouver l'Arbre de vie qui lui donnera l'immortalité. Et puis il y a une troisième histoire : un homme chauve qui chérit jalousement un arbre dans une bulle perdue au milieu de l'espace. Les trois histoires sont poreuses parce qu'elles regroupent les mêmes protagonistes et racontent finalement la même chose.


Pour moi, ce film est un véritable poème. Déjà, la musique est sublime, et elle accompagne chaque moment important de la manière la plus délicate qui soit. Ensuite, le couple Rachel Weisz/Hugh Jackman est vraiment touchant. Enfin, la façon dont les récits s'entremêle a beau être déroutante, elle est esthétiquement très soignée et fait sens d'un point de vue purement émotionnel. J'avoue que j'ai un peu plus de mal avec la fin. J'aurais préféré que la lecture symbolique soit plus limpide. Néanmoins, c'est un film suffisamment (trop ?) dense pour que chacun y trouve son compte et je prends plaisir à le revisionner régulièrement.

vendredi 21 septembre 2012

L'Homme qui rit adapté au cinéma

Dans le paysage cinématographique de la fin d'année se profile un film qui m'intrigue. C'est l'adaptation au cinéma de L'Homme qui rit, chef d’œuvre trop méconnu de Victor Hugo. Ce roman raconte l'histoire de Gwynplaine, défiguré enfant pour être ensuite montré dans les foires par une cicatrice qui lui allonge démesurément le sourire (comme le Joker dans le deuxième Batman de la saga de Nolan). Alors que le jeune garçon s'enfuit par une nuit noire et neigeuse, il tombe sur le corps sans vie d'une femme qui porte dans ses bras un bébé encore vivant. Gwynplaine prend l'enfant et s'en va. Il trouvera refuge dans la roulotte d'Ursus, un vieux saltimbanque. Et la suite, il vaut mieux la lire par vous-mêmes. Voici l'interview du réalisateur, Jean-Pierre Améris, qui a réalisé Les émotifs anonymes, un chouette film, il y a deux ans ! Mais pour le coup, on est dans un registre très différent alors je suis vraiment curieuse du résultat !


Ce qui me plaît dans le casting, c'est qu'on retrouve Marc-André Grondin dans le rôle de Gwynplaine. Après, Gérard Depardieu dans le rôle d'Ursus, j'attends de voir... Mais j'ai hâte ! J'espère juste que le sujet ne sera pas noyé dans des bons sentiments larmoyants. Il faudra attendre Noël pour avoir la réponse.

jeudi 20 septembre 2012

Comptine du soir

Si l'on s'en allait vers la lune
Peut-être qu'on y arriverait
La route est longue, la nuit est brune
Tu y croirais, ça marcherait

Si l'on creusait de petits trous
Pour enfouir nos rêves les plus fous
Peut-être qu'ils s'enracineraient
Si quand on voulait, on pouvait

Le chemin serpente, il paraît
Qu'on peut se perdre à tout jamais
Jeu d'ombres je doute et je tombe
Le soleil aveugle me plombe

Petit oiseau qui bat de l'aile
C'est sûr que tu planes moins haut
Mais le monde n'est-il pas plus beau
Quand tu voles de tes propres ailes ?

11.06.2012

mercredi 19 septembre 2012

Laurent Gaudé - La mort du roi Tsongor

Le vieux roi Tsongor s'apprête à marier sa fille, Samilia, au prince des terres de sel, Kouame. Toute la cité de Massaba se réjouit de ces préparatifs. Mais à la veille de la célébration des noces, Sango Kerim vient avec une armée pour réclamer son dû : Samilia et lui se sont fait des serments dans leur jeunesse. Il est revenu pour qu'elle devienne sa femme. Devant cette situation inextricable, le vieux roi, las, décide de mettre fin à ses jours. Il espère que le deuil de sa disparition permettra d'éviter la guerre.


Laurent Gaudé est un conteur hors pair. La mélodie de ses mots nous emporte dès les premières lignes au cœur de Massaba. Je me suis délecté de chaque page de ce roman, pourtant assez bref, mais qui porte en lui la densité d'une fresque épique à couper le souffle. La sagesse et les erreurs du roi Tsongor, la tâche qu'il confie à son plus jeune fils, le choix de Samilia, la fidélité indéfectible de Katabolonga et la ténacité égale de Kouame et de Sango Kerim : tous les ingrédients sont réunis pour mettre en relief la grandeur de ce récit. Chacun des personnages est à la fois extraordinaire et désespérément humain : c'est leur sens du devoir qui conduira les deux rivaux à leur perte. La folie de la destruction est également évoquée avec beaucoup de justesse. L'auteur a le talent de nous tenir en haleine à chaque page, de nous faire trembler pour ses personnages, même si l'on sait qu'ils sont happés par un destin qui les dépasse. C'est le troisième roman que je lis de Laurent Gaudé (après Le soleil des Scorta et La porte des Enfers) et j'apprécie de plus en plus son style.

"Voilà. Je meurs. Tu vois. Cela mettra un peu de temps. Le sang s'écoulera hors de moi. Je resterai ici jusqu'à la fin. Je meurs. Tu n'as rien fait. Maintenant, je te demande un service." Tandis qu'il parlait, son sang continuait à se répandre. Une flaque, déjà, coulait à ses pieds. "Le jour va se lever. Regarde. Il ne tardera pas. La lumière paraîtra sur la cime des collines avant que je sois mort. Car il faudra du temps pour que mon sang coule hors de moi. Des gens accourront. On se précipitera sur moi. J'entendrai, dans mon agonie, les cris de mes proches et le vacarme lointain des armées impatientes. Je ne veux pas de cela. La nuit va finir. Et je ne veux pas aller au-delà. Mais le sang coule lentement. Tu es le seul, Katabolonga. Le seul à pouvoir faire cela. Il ne s'agit plus de me tuer. Je l'ai fait pour toi. Il s'agit de m'épargner ce nouveau jour qui se lève et dont je ne veux pas. Aide-moi."

mardi 18 septembre 2012

How I met your mother (série)

Je suis une fan de la première heure de Friends qui est à mes yeux la meilleure série de tous les temps. Alors forcément, ça commençait à faire un moment qu'on me répétait inlassablement : "tu aimais Friends, tu vas adorer How I met". Certains poussant l'audace jusqu'à laisser entendre que c'était encore mieux que Friends. Je suis bon public alors il y a quelques mois, je me suis mise au phénomène How I met. Je dois avouer que je me suis laissé conquérir. J'ai mis un peu de temps à rentrer dedans mais les personnages sont vraiment attachants. Celui que j'ai mis le plus longtemps à apprécier reste Barney que je trouvais assez insupportable au début. Ca me laissait dubitative de n'entendre que des éloges sur lui, et puis finalement j'ai compris et c'est vrai qu'il me plaît bien finalement à moi aussi.


Ce que j'aime dans cette série, ce sont les allers et venues dans le temps qui nous réservent de nombreuses surprises. Il y a aussi les scènes qui vous font battre le cœur, tantôt réelles, tantôt inventées par les personnages parce qu'elles sont conformes à ce qu'ils aimeraient faire mais dont ils ne sont pas capables. Je pense par exemple à l'épisode où Robin raconte l'histoire de leur naissance à ses enfants dans la saison 7...
Et puis surtout, il y a cette incroyable alchimie entre nos cinq héros. Je suis fan de leurs trips complètement déjantés ainsi que des pincettes que Ted prend pour raconter sa jeunesse à ses enfants (il leur dit qu'ils mangent des sandwiches au lieu de leur avouer qu'il fume des joints, et à l'écran le résultat est fun). A côté du sympathique, drôle et touchant couple de Marshall et Lily, il y a le trio étrange formé par Ted, Robin et Barney. Je me demande vraiment qui sera l'élue de Ted mais elle a intérêt à assurer grave ! J'ai du mal à imaginer qu'il puisse trouver une fille aussi géniale que Robin et qu'il l'aime plus qu'elle. Cette histoire avec Victoria ne me dit rien qui vaille (vu qu'elle n'est pas la fille au parapluie jaune, je n'ose imaginer où tout cela va le mener). Et puis je l'aime bien Ted, malgré ses petits côtés maniaques, c'est un mec super qui ne mérite pas de galérer autant (enfin, il aura un gosse en 2015 ; on est en 2012, rien n'est perdu). Parce que j'ai d'abord été fan du couple Ted-Robin, et ça m'a vraiment fait de la peine quand ils se sont quittés. Après l'idée du couple Robin-Barney m'a plu, mais au début de la saison 5, je les trouvais vraiment décevants. Maintenant il y a un truc que je trouve peu vraisemblable, c'est cette manie toute récente qu'a Barney de tomber amoureux. Et franchement : Quinn ??? Je trouve que les choses vont beaucoup trop vite pour quelqu'un qui avait une peur panique de l'engagement. J'attends donc impatiemment son retour avec Robin. Il semble bien que c'est ce que les scénaristes ont prévu mais sait-on jamais avec ces rebondissements à gogo ? Tout ça pour dire que j'aime cette série, que je viens d'achever le visionnage de la saison 7 et que la 8 commence à être diffusée dans une semaine. Je n'aurai même pas été fichue de faire un article attractif sur cette série que j'ai spoilée à mort mais j'avais besoin de faire le point sur mes considérations (palpitantes) sur l'état des choses au moment où j'écris.
Il n'y a pas à dire, c'est une série addictive. Maintenant : meilleure que Friends ? Ne nous emballons pas. Elle est sans doute un poil plus déjantée, tout aussi drôle mais connaît parfois quelques faiblesses de scénario (alors que Friends n'a connu qu'une seule faiblesse : l'épisode où Chandler regarde un porno et où Monica pense qu'il fantasme sur les requins). Je ne pourrai juger que quand How I met sera elle aussi terminée. En attendant, je le confesse, je suis fan de ce genre de séries avec les personnages desquelles je me sens pleinement en empathie. Elles ont le chic pour aborder des thèmes universels, créer des ambiances uniques et offrir de belles réflexions sur l'amitié, l'amour et la vie en général. Tout ça pour dire que j'attends impatiemment le 24 septembre...

lundi 17 septembre 2012

Samuel Beckett - Oh les beaux jours

Au début de la pièce, Winnie est enfouie dans le sol jusqu'à la taille. Elle est réveillée par une sonnerie stridente, elle commence alors sa journée en soliloquant. Elle se pomponne et fait l'inventaire de ce que contient son sac. Elle s'adresse par moments à Willie son mari, dissimulé par le monticule et qui s'exprime le plus souvent par monosyllabes.


Oh les beaux jours est à mes yeux l'un des plus beaux textes de théâtre qui existe. Beckett a le génie de savoir dépeindre la condition humaine dans ce qu'elle a de plus tragique et de plus comique. Winnie est à la fois touchante et pathétique : elle a un côté irritant de petite vieille qui radote, et en même temps elle dégage une énergie incroyable. Elle se tient en équilibre au bord de l'abîme du désespoir, comme un vaillant petit funambule. Un rien suffirait à la faire vaciller, mais elle sait se contenter de peu pour passer le temps. La pièce est aussi le théâtre de réflexions sur l'amour, la solitude et la mort. Que devient l'amour à l'épreuve du temps ? Qu'est-ce qui reste à la fin ? Le titre fait référence à un sublime poème de Verlaine : "Colloque sentimental", avec lequel il partage les thèmes de la mélancolie et du néant. Les personnages de Beckett sont les spectres de ce qu'ils ont été, mais des spectres qui se meuvent encore avec un reste d'humanité qui les rend touchants. En même temps, ils sont de véritables caricatures : Winnie est insupportablement étouffante et Willie est à peine plus civilisé qu'un ours. Tandis que le temps passe et nous dégrade peu à peu, qu'est-ce qui reste encore pour nous faire tenir ? Les souvenirs (mais eux-mêmes s'estompent un peu plus chaque jour). Et finalement si l'on parle, ce n'est que dans l'espoir que quelqu'un nous entende. D'une beauté âpre et terrible, Oh les beaux jours est une pièce aux facettes multiples, qui nous ramène à la juste mesure de notre existence dont la densité s'étiole sans qu'il faille pour autant perdre le sourire. C'est d'ailleurs l'un des leitmotivs de Winnie : "Oh le beau jour encore que ça aura été, encore un !"

 Winnie - Ah oui, si seulement je pouvais supporter d’être seule, je veux dire d’y aller de mon babil sans âme qui vive qui entende. (Un temps.) Non pas que je me fasse des illusions, tu n’entends pas grand’chose Willie, à Dieu ne plaise. (Un temps.) Des jours peut-être où tu n’entends rien. (Un temps.) Mais d’autres où tu réponds. (Un temps.) De sorte que je peux me dire à chaque moment, même lorsque tu ne réponds pas et n’entends peut-être rien, Winnie, il est des moments où tu te fais entendre, tu ne parles pas toute seule tout à fait, c’est-à-dire dans le désert, chose que je n’ai jamais pu supporter - à la longue. (Un temps.) C’est ce qui me permet de continuer, de continuer à parler s’entend. Tandis que si tu venais à mourir - (sourire) - le vieux style ! - (fin du sourire) - ou à t'en aller en m'abandonnant, qu'est-ce que je ferais alors, qu'est-ce que je pourrais bien faire, toute la journée, je veux dire depuis le moment où ça sonne, pour le réveil, jusqu'au moment où ça sonne, pour le sommeil ? (Un temps.) Simplement regarder droit devant moi, les lèvres rentrées ?

dimanche 16 septembre 2012

Kressmann Taylor - Inconnu à cette adresse

Martin et Max sont des amis de longue date. Ils ont quitté l'Allemagne lors de la Première guerre mondiale et se sont associés comme marchands d'art aux Etats-Unis. En 1932, Martin rentre en Allemagne tandis que Max (qui est juif) continue de gérer leurs affaires en Amérique. Ils entament alors une correspondance cordiale qui a pour toile de fond les événements historiques de l'époque. L'arrivée de Hitler au pouvoir - que Max envisage avec inquiétude - est au contraire accueillie de manière enthousiaste par Martin. La nature de la relation entre les deux hommes se dégrade tandis que chacun choisit son camp.


Ce livre est saisissant parce qu'il donne à ressentir à travers une œuvre littéraire, et donc fictionnelle, l'évolution des idéologies en Europe (notamment en Allemagne) dans les années 1930. Sa brièveté renforce sa violence. Par moments, j'ai trouvé justement que ça allait trop vite : le retournement de Martin est brutal et radical. Du coup, on ressent une véritable empathie avec Max qui empêche d'être parfaitement objectif (je dis ça mais bon, le thème n'est pas de ceux qui rendent propice l'objectivité). J'ai été vraiment horrifiée par l'attitude de Martin. Son adhésion quasi immédiate à l'idéologie nazie est inquiétante et l'épisode concernant la sœur de Max fait froid dans le dos. C'est un livre court et efficace qui a le mérite de présenter les choses de manière abordable et de faire réfléchir.



SCHLOSS RANTZENBURG
MUNICH, Allemagne
Le 25 mars 1933
Mr Max Eisenstein
Galerie Schulse-Eisenstein
San Francisco
Californie, USA

Cher vieux Max,
Tu as certainement entendu parler de ce qui se passe ici, et je suppose que cela t’intéresse de savoir comment nous vivons les évènements de l’intérieur. Franchement, Max, je crois qu’à nombre d’égards Hitler est bon pour l’Allemagne, mais je n’en suis pas sûr. Maintenant, c’est lui qui, de fait, est le chef du gouvernement. Je doute que Hindenburg lui-même puisse le déloger. L’homme électrise littéralement les foules ; il possède une force que seul peut avoir un grand orateur doublé d’un fanatique. Mais je m'interroge : est-il complètement sain d'esprit ? Ses escouades en chemises brunes sont issues de la populace. Elles pillent, et elles ont commencé à persécuter les Juifs. Mais il ne s'agit peut-être là que d'incidents mineurs : la petite écume trouble qui se forme en surface quand bout le chaudron d'un grand mouvement. Car je te le dis, mon ami, c'est à l'émergence d'une force vive que nous assistons dans ce pays. Une force vive. [...]
 
Martin Schulse

samedi 15 septembre 2012

Bretagne : sea, rain and sun !

J'ai toujours aimé la Bretagne, instinctivement du moins, pour ses légendes, sa verdure et ses vieilles pierres (les mêmes raisons me font aimer l'Irlande, ce sont mes images d'Epinal). Je connaissais surtout le Morbihan et le Finistère Sud que j'affectionne beaucoup mais le Nord du Finistère et les Côtes d'Armor m'étaient encore inconnus. C'est pourquoi cet été, je suis partie en périple avec une amie pour découvrir les îles et les côtes de la Manche. Ce fut un joli voyage riche en paysages grandioses et en bons moments. Avant d'atteindre notre première destination : Morlaix, nous avons visité le petit village de Saint Goustan sous un soleil plutôt chaleureux. De charmantes crêperies, des bouquinistes et de petites rues pittoresques ; il n'en fallait pas plus pour que je tombe sous le charme.


Mais le temps a eu la mauvaise idée de se dégrader à mesure que nous avancions vers le Nord. Cela ne nous a pas empêchées de visiter le site de Huelgoat où l'on peut découvrir la grotte du Diable et la Roche tremblante. La pluie a eu la bonté de nous épargner et j'ai découvert avec émerveillement ce site étonnant avec ses drôles de pierres rondes.


Arrivées à Morlaix, nous étions fin prêtes pour notre semaine de baroudage car nous avions un itinéraire chargé de coins à explorer. Notre première escale eut lieu sur l'île de Batz, où nous accostâmes sous un ciel maussade, après nous être pris une belle averse. Heureusement, la Bretagne a une météo changeante, ce qui nous a permis au cours de notre vadrouille de profiter d'un ciel d'un bleu presque irréel.

De retour au bercail, suite à une bonne nuit de sommeil, nous partîmes à la découverte de Perros Guirrec. Ce n'était pas faute d'en avoir entendu parler mais j'ai pourtant été totalement conquise par la beauté de ses paysages. On a eu un sacré coup de bol car on a évité une saucée monumentale et en toute fin d'après-midi, le temps s'est dégagé.

 La Côte de Granit rose porte bien son nom. En se promenant sur le sentier côtier, on découvre sur un tapis de bruyère en fleurs des rochers aux formes étranges, parfois animales, tantôt amusantes et tantôt inquiétantes.


Le lendemain, c'est l'île de Bréhat qui se trouvait sur notre chemin. Avant d'embarquer, on a croisé Charlotte Gainsbourg (eh oui, la Bretagne est un incroyable vivier de stars en vacances !). Et le soleil a continué de jouer à cache-cache avec les nuages, même si on commençait un peu à l'apprivoiser. On a fait un peu de grimpette.


Ce qui est plutôt propice à la découverte de panoramas à couper le souffle. Puis on est parties se perdre dans la partie Nord de l'île.


Le soir, nous faisions escale à Saint Brieuc mais on ne s'y est pas attardées parce qu'on ne nous l'avait pas particulièrement conseillé. On est donc reparties le lendemain, longeant toujours la côte, ce qui nous a permis de découvrir le joli petit porc de Binic et de nous poser tranquillement sur sa petite plage.


On a aussi vu les plages plus sauvages de Pordic et au loin le cap Fréhel, notre destination de fin de journée. Après s'être promenées à Erquy où nous avons dégusté (comme quasiment lors de tous nos repas) de délicieuses galettes et crêpes, nous sommes allées nous dorer la pilule sur la plage. Le soir, on a marché dans la bruyère jusqu'à Fort Lalatte.


Et là, c'était juste sublime : le soleil allait bientôt se coucher, on se trouvait à la pointe face à la mer. C'est une réserve naturelle et on ne peut pas aller partout mais on aperçoit au loin des familles entières de lapins qui s'éclatent dans la bruyère. Et comme on est en haut de la falaise, les goélands passent juste à notre hauteur. On a alors une vue plongeante et vertigineuse sur ce gros rocher surgi de la mer. Il est recouvert de centaines d'oiseaux dont les cris sont comme un appel du large.


Le lendemain, ce fut Saint Malo qui nous accueillit, cette fois sous un franc soleil. On a fait le tour de la ville fortifiée (avant de partir pour Dinard où l'on a fait bronzette et failli ne pas retrouver la voiture). La mer est froide mais d'un bleu digne des îles des Caraïbes ; en plus comme nous arrivions à la fin du tour des remparts, un musicien jouait un air mélancolique à la guitare qui se mariait bien à l'ambiance "fin de vacances" qui se profilait à l'horizon.


Nous avons terminé en beauté avec un adorable petit village : Dinan. Au programme : déambulation dans les rues et coup de cœur pour les jolies maisons à colombages, après-midi shopping, découverte du viaduc et dîner à la crêperie avant de reprendre la route.


Je suis tombée encore un peu plus amoureuse de la Bretagne cet été et j'ai maintenant très envie de découvrir l'intérieur des terres (mais bon, il faut bien en garder un peu pour les années à venir). Ce qui est sûr, c'est que c'est une région qui ne laisse pas indifférent. J'ai aimé m'enivrer de vent, m'en prendre plein les mirettes et crapahuter à droite à gauche à la découverte de vraies pépites. Forcément, le contraste avec les paysages de Picardie est parfois rude. Mais la beauté est là où il y a des yeux capables de l'apprécier. Je ne désespère donc pas d'écrire un jour un article sur les charmes de la Picardie...